Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/340

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de Constantinople. Chaque bordée en approche, et nous en découvre de nouveaux. À cette première apparition de Constantinople, je n’éprouvai qu’une émotion pénible de surprise et de désenchantement. Quoi ! ce sont là, disais-je en moi-même, ces mers, ces rivages, cette ville merveilleuse, pour lesquels les maîtres du monde abandonnèrent Rome et les côtes de Naples ? C’est là cette capitale de l’univers, assise sur l’Europe et sur l’Asie, que toutes les nations conquérantes se disputèrent tour à tour comme le signe de la royauté du monde ? C’est là cette ville que les peintres et les poëtes imaginent comme la reine des cités, planant sur ses collines et sur sa double mer, enceinte de ses golfes, de ses tours, de ses montagnes, et renfermant tous les trésors de la nature, et du luxe de l’Orient ? C’est là ce que l’on compare au golfe de Naples, portant une ville blanchissante dans son sein creusé en vaste amphithéâtre, avec le Vésuve perdant sa croupe dorée dans des nuages de fumée et de pourpre ; les forêts de Castellamare plongeant leurs noirs feuillages dans une mer bleue, et les îles de Procida et d’Ischia, avec leurs cimes volcaniques et leurs flancs jaunis de pampres et blanchis de villas, fermant la baie immense comme des môles gigantesques jetés par Dieu même à l’embouchure de ce port ? Je ne vois rien là à comparer à ce spectacle dont mes yeux sont toujours empreints ; je navigue, il est vrai, sur une belle et gracieuse mer, mais les bords sont plats, ou s’élèvent en collines monotones et arrondies ; les neiges de l’Olympe de Thrace, qui blanchissent, il est vrai, à l’horizon, ne sont qu’un nuage blanc dans le ciel, et ne solennisent pas d’assez près le paysage. Au fond du golfe je ne vois que les mêmes collines arrondies au même niveau, sans rochers, sans anses, sans échancrures ; et Constanti-