Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/348

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port ne ressemble en rien à un port ; c’est plutôt un large fleuve comme la Tamise, enceint des deux côtés de collines chargées de villes, et couvert sur l’une et l’autre rive d’une flotte interminable de vaisseaux groupés à l’ancre le long des maisons. Nous passions à travers cette multitude innombrable de bâtiments, les uns à l’ancre, les autres déjà à la voile, cinglant vers le Bosphore, vers la mer Noire ou vers la mer de Marmara ; bâtiments de toutes formes, de toutes grandeurs, de tous les pavillons, depuis la barque arabe, dont la proue s’élance et s’élève comme le bec des galères antiques, jusqu’au vaisseau à trois ponts, avec ses murailles étincelantes de bronze. Des volées de caïques turcs conduits par un ou deux rameurs en manches de soie, petites barques qui servent de voitures dans les rues maritimes de cette ville amphibie, circulaient entre ces grandes masses, se croisant, se heurtant sans se renverser, se coudoyant comme la foule dans les places publiques ; et des nuées d’albatros, pareils à de beaux pigeons blancs, se levaient de la mer à leur approche pour aller se poser plus loin et se faire bercer par la vague. Je n’essayerai pas de compter les vaisseaux, les navires, les bricks et les bâtiments et barques qui dorment ou voguent dans les eaux du port de Constantinople, depuis l’embouchure du Bosphore et la pointe du sérail, jusqu’au faubourg d’Eyoub et aux délicieux vallons des eaux douces. La Tamise, à Londres, n’offre rien de comparable. Qu’il suffise de dire qu’indépendamment de la flotte turque et des bâtiments de guerre européens à l’ancre dans le milieu du canal, les deux bords de la Corne-d’Or en sont couverts sur deux ou trois bâtiments de profondeur, et sur une longueur d’une lieue environ des deux côtés. Nous ne fîmes qu’entrevoir ces files prolongées de proues regardant la