Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/36

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arbre vit des siècles, et nulle part je n’en ai trouvé de plus gros, quoique plantés dans un sol rocailleux et aride. J’ai bien vu, sur le sommet du Liban, des cèdres que les traditions arabes reportent aux années de Salomon. Il n’y a là rien d’impossible : la nature a donné à certains végétaux plus de durée qu’aux empires ; certains chênes ont vu passer bien des dynasties, et le gland que nous foulons aux pieds, le noyau d’olive que je roule dans mes doigts, la pomme de cèdre que le vent balaye, se reproduiront, fleuriront, et couvriront encore la terre de leur ombre, quand les centaines de générations qui nous suivent auront rendu à la terre cette poignée de poussière qu’elles lui empruntent tour à tour. Ceci n’est pas une marque de mépris de la création pour nous. L’importance relative des êtres ne se mesure pas à la durée, mais à l’intensité de leur existence. Il y a plus de vie dans une heure de pensée, de contemplation, de prière ou d’amour, que dans une existence tout entière d’homme purement physique. Il y a plus de vie dans une pensée qui parcourt le monde et monte au ciel dans un espace de temps inappréciable, dans le millionième d’une seconde, que dans les dix-huit siècles de végétation des oliviers que je touche, ou dans les deux mille cinq cents ans des cèdres de Salomon.