Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/370

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devant la tente de Soliman, Mustapha est désarmé. Il s’avance seul dans la première enceinte, où régnait une solitude complète et un morne silence. Quatre muets s’élancent sur lui et s’efforcent de l’étrangler ; il les terrasse, et est près de s’échapper et d’appeler à son secours l’armée qui l’adore, quand Soliman lui-même, qui suivait de l’œil la lutte des muets contre son fils, soulève un des coins du rideau de la tente, et leur lance un regard étincelant de fureur. À cet aspect, les muets se relèvent, et parviennent à étrangler le jeune prince. Son corps est exposé sur un tapis devant la tente du sultan. Zéangir expire de désespoir sur le corps de son frère, et l’armée contemple d’un œil terrifié l’implacable vengeance d’une femme à qui l’amour a soumis l’infortuné Soliman. Mustapha avait un fils de dix ans ; l’ordre de sa mort est surpris au sultan par Roxelane. Un envoyé secret est chargé de tromper la vigilance de la mère de cet enfant. On imagine un prétexte pour la conduire à une maison de plaisance peu éloignée de Brousse. Le jeune sultan était à cheval, et précédait la litière de la princesse. La litière se brise ; le jeune prince prend les devants, suivi de l’eunuque chargé de l’ordre secret de sa mort. À peine entré dans la maison, l’eunuque, l’arrêtant sur le seuil de la porte, lui présente le lacet : « Le sultan veut que vous mouriez sur l’heure, » lui dit-il. — « Cet ordre m’est aussi sacré que celui de Dieu même, » répond l’enfant ; et il présente sa tête au bourreau. La mère arrive, et trouve le corps palpitant de son fils sur le seuil de la porte. La passion insensée de Soliman pour Roxelane remplit le sérail de plus de crimes que n’en vit le palais d’Argos.

Les Sept-Tours me rappellent la mort du premier sultan