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Le sérail, déjà abandonné par Mahmoud, n’est plus qu’un brillant tombeau. Mais que son histoire secrète serait dramatique et touchante, si les murs pouvaient la raconter !

Une des plus graves et des plus douces figures de ce drame mystérieux est celle de l’infortuné Sélim, qui, déposé et emprisonné dans le sérail pour n’avoir pas voulu verser le sang de ses neveux, y devint l’instituteur du sultan actuel, Mahmoud. Sélim était philosophe et poëte. Le précepteur avait été roi, l’élève devait l’être un jour. Pendant cette longue captivité des deux princes, Mahmoud, irrité par la négligence d’un esclave, s’emporta, et le frappa au visage : « Ah ! Mahmoud, dit Sélim, lorsque vous aurez passé par la fournaise du monde, vous ne vous emporterez pas ainsi. Quand vous aurez souffert comme moi, vous saurez compatir aux souffrances, même à celles d’un esclave. »

Le sort de Sélim fut malheureux jusqu’au bout. Mustapha Baraictar, un de ses fidèles pachas, armé pour sa cause, arrive jusqu’à Constantinople, et se présente aux portes du sérail. Le sultan Mustapha s’endormait dans les voluptés, et était en ce moment même dans un de ses kiosques, sur le Bosphore. Les bostangis défendent les portes ; Mustapha rentre au sérail ; et tandis que Baraictar enfonçait les portes avec de l’artillerie, en demandant qu’on lui rendît son maître Séiim, ce malheureux prince tombe sous le poignard du kislar-aga et de ses eunuques. Le sultan Mustapha fait jeter son corps à Baraictar ; celui-ci se précipite sur le cadavre de Sélim, le couvre de baisers et de larmes. On cherche Mahmoud, caché dans le sérail ; on craint que Mustapha