Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/386

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beau vide de Constantin. C’est un vase de porphyre d’une prodigieuse grandeur ; il y tiendrait vingt héros. Le morceau de porphyre est évidemment de l’époque grecque. C’est quelque débris arraché aussi des temples de Diane à Éphèse. Les siècles se prêtent leurs temples comme leurs tombeaux, et se les rendent vides. Où sont les os de Constantin ? Les Turcs ont enfermé son sépulcre dans un kiosque, et ne le laissent point profaner. Les tombeaux des sultans et de leurs familles sont dans les jardins des mosquées qu’ils ont construites, sous des kiosques de marbre ombragés d’arbres et parfumés de fleurs ; des jets d’eau murmurent auprès, ou dans le kiosque même ; et le culte du souvenir est si immortel parmi les musulmans, que je n’ai jamais passé devant un de ces tombeaux sans trouver des bouquets de fleurs fraîchement cueillies déposés sur la porte ou sur les fenêtres de ces nombreux monuments.

Je viens de descendre et de remonter le canal du Bosphore de Constantinople à l’embouchure de la mer Noire. Je veux esquisser pour moi quelques traits de cette nature enchantée. Je ne croyais pas que le ciel, la terre, la mer et l’homme pussent enfanter de concert d’aussi ravissants paysages. Le miroir transparent du ciel ou de la mer peut seul les voir et les réfléchir tout entiers : mon imagination les voit et les conserve ainsi ; mais mon souvenir ne peut les garder et les peindre que par quelques détails successifs. Écrivons donc vue par vue, cap par cap, anse par anse, coup de rame par coup de rame. Il faudrait des années à un peintre pour rendre une seule des rives du Bosphore. Le pays change à chaque regard, et toujours il se renouvelle aussi beau en se variant. Que puis-je dire en quelques paroles ?