Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/403

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seul les a toutes à lui, et nous les distribue à proportion et à mesure de nos intelligences progressives.

Le marché d’esclaves est une vaste cour découverte, et environnée d’un portique surmonté d’un toit. Sous ce portique, environné du côté de la cour d’un mur à hauteur d’appui, s’ouvrent des portes qui donnent dans les chambres où les marchands tiennent les esclaves. Ces portes restent ouvertes pour que les acheteurs, en se promenant, puissent voir les esclaves. Les hommes et les femmes sont tenus dans des chambres séparées ; les femmes ne sont pas voilées. Outre les esclaves renfermés dans ces chambres basses, il y en a un grand nombre groupés dans la galerie, sous le portique et dans la cour. Nous commençâmes par parcourir ces différents groupes. Le plus remarquable était une troupe de jeunes filles d’Abyssinie, au nombre de douze ou quinze ; adossées les unes aux autres comme ces figures antiques de cariatides qui soutiennent un vase sur leurs têtes, elles formaient un cercle dont tous les visages étaient tournés vers les spectateurs. Ces visages étaient en général d’une grande beauté : les yeux en amande, le nez aquilin, les lèvres minces, le contour ovale et délicat des joues, les longs cheveux noirs luisants comme des ailes de corbeaux. L’expression pensive, triste et languissante de la physionomie fait des Abyssiniennes, malgré la couleur cuivrée de leur teint, une race de femmes des plus admirables ; elles sont grandes, minces de taille, élancées comme les tiges de palmier de leur beau pays. Leurs bras ont des attitudes ravissantes. Ces jeunes filles n’avaient pour vêtements qu’une longue chemise de toile grossière et jaunâtre. Elles avaient aux jambes des bracelets de perles de verre bleu. Assises sur