Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/409

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des épiceries surtout, sont de longues et larges galeries voûtées, bordées de trottoirs et de boutiques pleines de toutes sortes d’objets de commerce. Armures, harnachement de chevaux, bijouterie, comestibles, maroquinerie, châles des Indes et de Perse ; étoffes de l’Europe, tapis de Damas et de Caramanie, essences et parfums de Constantinople, narghilés et pipes de toutes formes et de toute magnificence ; ambre et corail taillés à l’usage des Orientaux pour fumer le toumbac ; étalage de tabac haché ou plié comme des rames de papier jaune ; boutiques de pâtisseries appétissantes par leur forme et leur variété ; beaux magasins de confiseurs, avec l’innombrable variété de leurs dragées, de leurs fruits confits, de leurs sucreries de tout genre ; drogueries d’où s’exhale un parfum qui embaume tous les bazars ; manteaux arabes tissés d’or et de poil de chèvre ; voiles de femmes brodés de paillettes d’argent et d’or : au milieu de tout cela une foule immense et sans cesse renouvelée de Turcs à pied, la pipe à la bouche ou à la main, suivis d’esclaves, de femmes voilées, accompagnées de négresses portant de beaux enfants ; de pachas à cheval, traversant au petit pas cette foule pressée et silencieuse, et de voitures turques, fermées de leur treillis doré, conduites au pas par des cochers à longues barbes blanches, et pleines de femmes qui s’arrêtent de temps en temps pour marchander aux portes des bijoutiers : voilà le coup d’œil de tous ces bazars. Il y en aurait plusieurs lieues de longueur, s’ils étaient réunis en une seule galerie. Ces bazars, où l’on est obligé de se coudoyer sans cesse, et où les Juifs étalent et vendent les vêtements des pestiférés, sont les véhicules les plus actifs de la contagion. La peste vient d’éclater ces jours-ci à Péra par cinq ou six accidents mortels, et nous passâmes