Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/416

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cent, comme des aigles d’or, à vingt pieds en avant du corps du caïque, dont les vingt-quatre rameurs, relevant et abaissant simultanément leurs longs avirons, imitent le battement de deux vastes ailes, et soulèvent chaque fois un voile d’écume qui enveloppe les flancs du caïque ; et enfin de ce pavillon de soie, d’or et de plumes, dont les rideaux repliés laissent voir le Grand Seigneur assis sur un trône de cachemire, avec ses pachas et ses amiraux à ses pieds. En touchant au bord, il s’élança légèrement, appuyant ses mains sur l’épaule d’Achmet et de Namuk-Pacha. La musique de sa garde, rangée vis-à-vis de nous sur la place de la mosquée, éclata en fanfares ; et il s’avança rapidement entre deux lignes d’officiers et de spectateurs.

Le sultan Mahmoud est un homme de quarante-cinq ans, d’une taille moyenne, d’une tournure élégante et noble ; son œil est bleu et doux, son teint coloré et brun, sa bouche gracieuse et intelligente ; sa barbe, noire et brillante comme le jais, descend à flots épais sur sa poitrine : c’est le seul reste du costume national qu’il ait conservé ; on le prendrait, du reste, au chapeau près, pour un Européen. Il portait des pantalons et des bottes, une redingote brune avec un collet brodé de diamants, un petit bonnet de laine rouge, surmonté d’un gland de pierres précieuses. Sa démarche était saccadée, et son regard inquiet ; quelque chose l’avait choqué, ou le préoccupait fortement : il parlait avec énergie et trouble aux pachas qui l’accompagnaient ; il ralentit son pas quand il fut près de nous sur les degrés de la porte, nous jeta un coup d’œil bienveillant, inclina légèrement la tête, commanda du geste à Namuk-Pacha de prendre le placet qu’une femme turque voilée lui tendait, et en-