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règne lui répugnent. Peut-être aussi ne s’y trouve-t-il pas en sûreté au milieu de la population fanatique de Stamboul, et préfère-t-il avoir un pied sur l’Asie et un pied sur sa flotte, dans ses trente palais des bords du Bosphore. Le caractère général de cette admirable demeure n’est ni la grandeur, ni la commodité, ni la magnificence ; ce sont des tentes de bois doré et percées à jour. Le caractère de ces palais, c’est le caractère du peuple turc : l’intelligence et l’amour de la nature. Cet instinct des beaux sites, des mers éclatantes, des ombrages, des sources, des horizons immenses encadrés par les cimes de neige des montagnes, est l’instinct prédominant de ce peuple. On y sent le souvenir d’un peuple pasteur et cultivateur qui aime à se rappeler son origine, et dont tous les goûts sont simples et instinctifs. Ce peuple a placé le palais de ses maîtres, la capitale de sa ville impériale, sur le penchant de la plus belle colline qu’il y ait dans son empire et peut-être dans le monde entier. Ce palais n’a ni le luxe intérieur ni les mystérieuses voluptés d’un palais d’Europe ; il n’a que de vastes jardins, où les arbres croissent libres et éternels comme dans une forêt vierge, où les eaux murmurent, où les colombes roucoulent ; des chambres percées de fenêtres nombreuses toujours ouvertes ; des terrasses planant sur les jardins et sur la mer, et des kiosques grillés où les sultans, assis derrière leurs persiennes, peuvent jouir à la fois de la solitude et de l’aspect enchanté du Bosphore. C’est partout de même en Turquie ; maître et peuple, grands et petits, n’ont qu’un besoin, qu’un sentiment, dans le choix et l’arrangement de leurs demeures : jouir de l’œil, de la vue d’un bel horizon ; ou, si la situation et la pauvreté de leur maison s’y refusent, avoir au moins un arbre, des oiseaux, un