Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/435

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3 juillet.


Je me suis embarqué ce matin pour Constantinople. J’ai remonté le Bosphore ; je suis entré dans la mer de Marmara ; et, après avoir suivi environ deux heures les murs extérieurs qui séparent Stamboul de cette mer, je suis descendu au pied du château des Sept-Tours. Nous n’avions ni teskéré ni guide. Les soldats turcs, après beaucoup de difficultés, nous ont laissé entrer dans la première cour de ce château de sang, les sultans détrônés étaient traînés par la populace, et allaient attendre la mort, qui ne tarde jamais quand le peuple est à la fois juge et bourreau. Six ou sept têtes d’empereurs décapités ont roulé sur les marches de cet escalier. Des milliers de têtes plus vulgaires ont couvert les créneaux de cette tour. Le gardien refuse de nous laisser entrer plus avant. Pendant qu’il va demander des ordres au commandant du château, s’entr’ouvre la porte d’une salle basse et voûtée dans la tour orientale. Je fais quelques pas, j’entends un rugissement qui fait vibrer la voûte, et je me trouve face à face avec un superbe lion enchaîné. Le lion s’élance sur un beau lévrier qui me suivait. Le lévrier s’échappe, et se réfugie entre mes jambes. Le lion se dressait sur ses pattes de derrière ; mais sa chaîne le retenait contre la muraille. Je sortis, et fermai la porte. Le gardien vint me dire qu’il risquerait sa tête s’il m’introduisait plus avant. Je me retirai, et je sortis de l’enceinte de la ville par une porte des anciens murs qui descend dans la campagne.