Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/56

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Saint-Jean, qui ne se lassaient pas de me suivre et commençaient même à me menacer. À huit heures du matin, nous avions franchi les hautes montagnes que couronne le tombeau des Machabées, et nous étions assis sous les figuiers de Jérémie, fumant la pipe et prenant le café avec Abougosh, son oncle et ses frères. Abougosh me combla de nouvelles marques d’égards et de bienveillance ; il m’offrit un cheval que je refusai, ne voulant pas lui faire de cadeau moi-même, parce que ce cadeau aurait semblé une reconnaissance du tribut qu’il impose ordinairement aux pèlerins, tribut dont Ibrahim les a affranchis ; je mis sous sa sauvegarde les religieux de Saint-Jean, de Bethléem et de Jérusalem. J’ai su depuis qu’il était allé en effet les délivrer de l’obsession des Bédouins du désert ; il ne se doutait pas sans doute, alors que je lui demandais sa protection pour de pauvres religieux francs exilés dans ses montagnes, que huit mois plus tard il enverrait implorer la mienne pour la délivrance de son propre frère, emmené prisonnier à Damas, et que je serais assez heureux pour lui être utile à mon tour.

Le café pris, nos chevaux rafraîchis, nous repartîmes, escortés par l’immense population de Jérémie, et nous allâmes camper au delà de Ramla, dans un superbe bois d’oliviers qui entoure la ville. Accablés de lassitude et sans vivres, nous fîmes demander l’hospitalité aux religieux du couvent de Terre-Sainte ; ils nous la refusèrent comme à des pestiférés que nous pouvions bien être en effet : nous nous passâmes donc de souper, et nous nous endormîmes au bruit du vent de mer jouant dans la cime des oliviers. C’est là que la Vierge, saint Joseph et l’Enfant passèrent la nuit