Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/58

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reuse, l’est davantage encore dans le golfe de Caïpha : les navires qui s’y réfugient et y jettent l’ancre, pour éviter la tempête, sur un fond de sable peu solide, sont fréquemment jetés à la côte. De tristes et pittoresques débris l’attestaient trop à nos regards ; la plage entière est bordée de carcasses de vaisseaux naufragés, à demi ensevelis dans le sable ; quelques-unes montrent encore leur haute proue fracassée, où les oiseaux de mer font leurs nids ; beaucoup ont seulement leurs mâts hors du sable : ces arbres immobiles et sans feuillage ressemblent à ces croix funèbres que nous plantons sur la cendre de ceux qui ne sont plus : il y en a qui ont encore leurs vergues et leurs cordages, rouillés par la vapeur saline de la mer, pendant autour des mâts. Les Arabes ne touchent pas à ces ruines de bâtiments naufragés ; il faut que le temps et les tempêtes d’hiver se chargent seuls d’accomplir leur dégradation, ou que le sable les ensevelisse jour à jour.

Nous vîmes là, comme presque dans toutes les autres mers de Syrie, comment les Arabes pêchent le poisson. Un homme, tenant un petit filet replié, élevé au-dessus de sa tête et prêt à être lancé, s’avance à quelques pas dans la mer, et choisit l’heure et la place où le soleil est derrière lui, et illumine la vague sans l’éblouir. Il attend les vagues qui viennent, en s’amoncelant et en se dressant, fondre à ses pieds sur l’écueil ou sur le sable. Il plonge un regard perçant et exercé dans chaque écume, et s’il aperçoit qu’elle roule du poisson, il lance son filet au moment même où elle se brise et entraînerait ce qu’elle apporte avec son reflux : le filet tombe, la vague se retire, et le poisson reste. Il faut un temps un peu gros pour que cette pêche ait lieu