Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et des oies sauvages, qui s’élevaient, comme des nuages, des roseaux aux bords du fleuve. Ces oiseaux nourrirent ce jour-là toute notre caravane.

Le jour suivant, nous rencontrâmes, sur le bord de la mer, dans un endroit délicieux, ombragé de cèdres maritimes et de magnifiques platanes, un aga turc qui revenait de la Mecque avec une suite nombreuse d’hommes et de chevaux. Nous nous établîmes sous un arbre auprès de la fontaine, non loin d’un autre arbre où l’aga déjeunait. Ses esclaves promenaient ses chevaux. Je fus frappé de la perfection de formes et de la légèreté d’un jeune étalon arabe de pur sang. Je chargeai mon drogman d’entrer en pourparler avec l’aga. Nous lui envoyâmes en présents quelques-unes de nos provisions de route et une paire de pistolets à piston : il nous fit présent à son tour d’un yatagan de Perse. Je fis passer mes chevaux devant lui, pour amener la conversation d’une manière naturelle sur ce sujet. Nous y parvînmes, mais la difficulté était de lui proposer de me vendre le sien. Mon drogman lui raconta qu’un de nos compagnons de route était si malade, qu’il ne pouvait trouver un cheval d’une allure assez douce pour le porter. L’aga alors dit qu’il en avait un sur le dos duquel on pouvait boire le café au galop sans qu’il en tombât une goutte de la tasse. C’était précisément le bel animal que j’avais admiré, et que je désirais si vivement posséder pour ma femme. Après de longues circonvolutions de paroles, nous finîmes par entrer en marché ; et j’emmenai le cheval, que j’appelai El Kantara, en mémoire du lieu et de la fontaine où je l’avais acheté. Je le montai à l’instant même pour achever la journée : je n’ai jamais monté un animal aussi léger. On ne sentait ni le