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couleur d’acajou ; leurs dents blanches comme l’ivoire, dont leurs lèvres tatouées de bleu et leur teint hâlé faisaient ressortir l’éclat, donnaient à leurs physionomies et à leurs rires un caractère sauvage, mais non pas féroce ; elles ressemblaient à de jeunes Provençales ou à des Napolitaines, avec le front plus haut, les allures plus libres, le sourire plus franc et les manières plus naturelles. Leur figure se grave profondément dans la mémoire, parce qu’on ne voit pas deux fois des figures de ce caractère.

Il y avait autour de nous un cercle de cent ou deux cents personnes de la tribu : quand nous eûmes bien contemplé leur camp, leurs figures et leurs ouvrages, nous fîmes signe que nous désirions remonter à cheval. Aussitôt nos chevaux nous furent ramenés : comme ils étaient effrayés par l’aspect étrange, les cris de cette foule et les sons des tambourins, le scheik fit prendre Julia par deux de ses femmes, qui la portèrent jusqu’au bout de la forêt : la tribu entière nous accompagna jusque-là. Nous remontâmes à cheval, ils nous offrirent une chèvre et un jeune chameau en présent ; nous n’acceptâmes pas, et nous leur donnâmes nous-même une poignée de piastres turques que les jeunes filles se partagèrent pour ajouter à celles des colliers, et deux gazzis d’or aux femmes du scheik.

À peu de distance de la forêt, nous retrouvâmes le fleuve ; nous le traversâmes à gué. Sous les lauriers-roses qui le bordent, nous rencontrâmes encore une centaine de jeunes filles de la tribu des Kurdes, qui revenaient de Bayruth, où elles étaient allées acheter des jarres de terre et quelques pièces d’étoffe pour une fiancée de leur tribu : elles s’étaient