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savait comment faire pour en connaître le motif ; ayant été déjà plusieurs fois chez les femmes, je pris un chapelet de corail, et j’entrai chez Naura, la femme de Nasser, pour le lui offrir. Elle l’accepta, me fit asseoir près d’elle, et me présenta, à son tour, des dattes et du café. Après toutes ces politesses réciproques, je vins au but de ma visite, et lui dis :

« Excusez, je vous prie, mon importunité, mais les étrangers sont curieux et craintifs ; le peu de marchandises que nous avons ici est le reste d’une fortune considérable que des malheurs nous ont enlevée. L’émir Nasser était tantôt en conférence avec des étrangers, cela nous inquiète ; nous voudrions en savoir le motif.

» — Je veux bien, répondit Naura, satisfaire votre curiosité, mais à condition que vous me garderez le secret et n’aurez l’air de rien savoir. Apprenez que mon mari a beaucoup d’ennemis parmi les Bédouins, parce qu’il humilie leur fierté nationale en vantant la puissance des Turcs. L’alliance de Nasser avec les Osmanlis déplaît fort aux Bédouins, qui les haïssent. Elle est même contraire aux avis de son père et des principaux de la tribu, qui murmurent contre lui. Le but de cette assemblée était de concerter un plan d’attaque. Demain on doit assaillir la tribu El-Daffir, pour prendre ses troupeaux et lui faire tout le mal possible ; au reste, le Dieu des batailles donnera la victoire à qui lui plaît ; mais pour vous, vous n’avez rien à craindre. »

Ayant remercié Naura, je me retirai satisfait d’avoir obtenu sa confiance.