Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/64

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Et tombent sur les joues et le front du chrétien.
Alors, éveillé par ces larmes, Stojan
S’étonne, et dit à la jeune Turque :
« Parle : qu’as-tu, belle fille ?
Pourquoi ces larmes coulent-elles de tes yeux ?…
Regrettes-tu ton frère Mustaj ?
Regrettes-tu ses grands trésors !
Ou bien ne suis-je pas à ton gré ? »

Et la jeune Turque lui répondit :
« Stojan Jankowitsch, malheur à ta mère !
Ce n’est point pour mon frère que je pleure ;
Ce n’est point ses trésors que je regrette ;
N’en ai-je pas moi-même pris ma part ?
Je te chéris du plus profond de mon cœur.
Mais vois, infortuné ! Vois-tu Mustaj-Beg,
Et les trente guerriers qui le suivent ?…
À cheval donc ! fuyons vers Kotari !
Autrement c’en est fait, de nous deux !… »

Quand Stojan Jankowitsch entendit ceci,
Il répondit ainsi à la jeune fille :
« Jamais, belle Turque, je ne ferai ceci !
Ils m’ont cruellement offensé, les Turcs,
Quand ils me surprirent endormi par l’ivresse,
Et me garrottèrent et dépouillèrent indignement :
Maintenant je veux joliment gratifier le beau-frère !…
Monte à ton tour le coursier noir,
Et laisse-moi monter le blanc destrier,