Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/124

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voyait que le soleil dehors et le feu à la maison. Ce fut un bien grand malheur dans les Huttes. Tout le monde vint pleurer avec ma mère. L’enfant avait sept ans. Il ne pouvait plus se conduire. Il était toujours pendu au tablier de notre mère, à la main de son père ou à la mienne. Notre pauvre père eut tant de chagrin d’avoir été cause du malheur, qu’il en prit le crève-cœur, comme on dit dans le pays, et qu’il en mourut l’hiver d’après.

V.

Ma mère avait bien du mal à nous nourrir, bien qu’elle fût jeune encore et ouvrière, et qu’elle fît autant d’ouvrage qu’un homme avec la pioche, avec la serpe ou avec le râteau. Mais moi, mon frère aveugle, une petite sœur à la mamelle et une femme de trente ans, quoique sobres, c’étaient bien des dents autour d’un pain. Ça me faisait de la peine de voir cette pauvre femme couper des fagots, les porter sur son dos à la maison ; sarcler le seigle, faucher le pré, lier les gerbes, les battre avec le fléau devant la cour ; pétrir le pain, allumer le feu,