Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/161

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VIII.

Ensuite, vous me direz que c’est une vanité ; je ne dis pas non ; c’est vrai ; car, long ou court, le temps n’est que le temps. Quand il est passé, c’est comme s’il n’avait pas été ; mais enfin, vanité si vous voulez, on éprouve toujours dans un état un certain contentement à se dire : Ce que je fais là durera encore après moi. Ceux qui écrivent des livres pensent qu’ils seront étudiés par des yeux qui ne verront pas la lumière peut-être avant mille ans d’ici, à ce qu’on dit. Les menuisiers qui font des armoires et des cabinets se réjouissent en se disant : Si c’est bien ciré, bien entretenu, bien au sec, ça durera et ça conservera l’empreinte de ma main de génération en génération dans les maisons des nouveaux mariés. Ceux qui plantent un châtaignier ou un chêne se disent : Le petit pépin ou le petit gland que je sème contient là, entre mes deux doigts, plus de vie et plus de temps cachés dans cette mince écorce qu’il n’y a de vie et de temps cachés dans tous les hommes qui sont nés ou à naître dans ce