Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/253

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autres, le mal du pays, la maladie, presque la seule que nous ayons, la maladie du pauvre monde qui, n’ayant pas grand chose à aimer autour d’eux, se mettent à aimer le coin de terre qui les a portés. Je pense que c’est comme ce châtaignier : si on le transplantait, qui regretterait et qui aimerait la motte de terre qui a nourri ses racines !

VI.

Et alors, monsieur, et à chaque moment, le jour et la nuit, je me donnais tout seul un moment de peine et de plaisir en me disant : Pensons librement à eux. Qu’est-ce qu’ils disent ? Qu’est-ce qu’ils font là-haut, juste au moment où je pense ? Voilà la nuit, ils rentrent à la hutte, ils rallument le feu pour le souper ; voilà le matin, ils sortent avec leurs râteaux et leurs sarcloirs sur l’épaule pour aller nettoyer le pré ou l’auge ; voilà midi, ils mangent ensemble à l’ombre du foyard, au coin du champ ; voilà le soir, ils se reposent sur la porte et ils font peut-être leurs prières en pensant à moi ! Voilà le printemps, ils lavent les agneaux à la fontaine ;