Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/273

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mon-, car elle avait le dos de sa chaise tourné contre la porte et le visage, bien éclairé par la flamme, tourné du côté de la lucarne. Ah ! monsieur, ce n’était plus la même Denise que j’avais laissée. Elle était tout autre, mais on reconnaissait bien toujours la même sous l’autre, la belle jeune fille de dix-huit ans sous la jeune veuve de vingt-six ans. Il semblait qu’il n’y eût qu’à passer la main sur l’ombre de son visage pour la retrouver tout comme elle avait été avant mon tour de France. Elle avait sa robe de laine galonnée de noir, ses joues plus blanches, les coins de la bouche un peu plus abaissés vers le menton, le tour des yeux un peu plus taché de bleu, comme quelqu’un qui a reçu une légère meurtrissure au-dessous des paupières, le corsage un peu plus bas, les bras encore plus blancs de peau et tant soit peu plus maigres.

Une personne qui n’a pas vieilli, mais qui a souffert ou qui a pleuré les nuits, enfin ! voilà comme était Denise ! Ah ! je ne pouvais pas en détacher mes yeux, et je me disais Pauvre Denise ! pauvre Denise ! que n’étais-je là pour t’épargner des peines et de l’ouvrage ! Je t’aime encore mieux comme cela