Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/314

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On les reporta là, à la place où vous êtes, à côté de ma mère, qui n’avait pas pu survivre un seul jour à notre malheur. Si vous dépliiez cette couverture de gazon sur ce lit de terre, vous reverriez toute une famille.

Ils me gardent la place, comme vous voyez, monsieur : voilà mon lit de noce à côté de Denise.

Je vis un vide entre deux tombeaux.

— Et vous vivez là, lui dis-je avec pitié, toujours face à face avec votre amour évanoui ?

— Je ne pourrais plus vivre ailleurs, me dit-il mon cœur y a pris racine comme ce buis, qui puise sa sève dans la mort.

— Et ne murmurez-vous donc jamais en vous-même, Claude, contre cette Providence qui vous a montré le bonheur de si près deux fois, pour vous le ravir lorsque vous croyiez le tenir dans vos bras ?

— Moi murmurer contre le bon Dieu, monsieur ? s’écria-t-il. Oh ! non ! il sait ce qu’il fait, et nous, nous ne savons que ce que nous souffrons. Mais je me suis toujours imaginé que les souffrances, c’étaient les désirs du cœur de l’homme écrasés dans son cœur