Page:Lamartine - Le tailleur de pierres de Saint-Point, ed Lecou, Furne, Pagnerre, 1851.djvu/84

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donne le vertige à l’âme d’un pauvre homme ; ça le donnerait aux âmes réunies de toutes les créatures qui ont jamais vécu, qui vivent ou qui vivront dans l’éternité.

Il n’y faut pas penser seulement à s’en faire une idée, monsieur. Une idée de Dieu ; mais si on l’avait, on serait Dieu soi-même. Une image, je ne dis pas ; je m’en fais bien quelquefois des milliers d’images, tantôt l’une, tantôt l’autre, qui me contentent un petit moment et qui me soulagent l’esprit, comme une planche qui soulage un instant l’homme qui se noie sur un océan mais ça ne soutient pas longtemps, ça s’enfonce sous vous comme tout le reste, et votre esprit se noie éternellement dans cette contemplation.

Moi. — Et quelles images vous reviennent le plus souvent, Claude ?

Lui. — Bah ! monsieur, on compterait plutôt les grains de poussière que mon marteau fait jaillir tout un jour d’été de la pierre et que le vent me souffle aux yeux. Tantôt je le vois comme un ciel sans fin semé d’yeux de toutes parts, qui enveloppe les mondes, et qui s’élargit à proportion qu’on y en jette