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Page:Lamirault - La Grande encyclopédie, inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts, tome 07.djvu/13

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vii
LISTE DE MM. LES COLLABORATEURS


LA GRANDE ENCYCLOPÉDIE



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B



BOBINO. C’est le surnom familier que, pendant plus, d’un demi-siècle, les habitants de la rive gauche donnèrent à un petit théâtre situé au numéro 7 de la rue de Madame, et qui s’appelait réellement Théâtre du Luxembourg. Il avait été fondé en 1846 comme simple « spectacle forain », c.-à-d, avec l’autorisation de jouer seulement des pantomimes et d’exhiber des danseurs de corde, des sauteurs, des jongleurs, — des prestidigitateurs, etc. Comme tous les établissements qui portaient officiellement la qualification de « spectacle », il était tenu de faire jouer la parade à la porte avant de commencer ses représentations, et c’est précisément le pitre qui faisait le Paillasse de cette parade, et qui de son vrai nom s’appelait Bobino, qui fit désigner sous ce nom ce petit théâtre, fréquenté par les bourgeois du quartier, et aussi par les carabins et les grisettes. C’est, à l’origine, Mme Clairville, mère de l’auteur dramatique de ce nom, qui servait de commère à Bobino pour la parade, tandis que son mari remplissait les fonctions de régisseur. Clairville fils y joua lui-même plus tard la comédie et y donna ses premières pièces. Un annaliste disait de ce petit théâtre, en 1830 « Nul établissement n’a été plus utile au quartier sur lequel il a été fondé ; avant la construction du Théâtre du Luxembourg, le côté ouest à l’extérieur du jardin de ce palais était à peine bâti, la circulation y cessait à l’entrée de la nuit, la sôreté publique et les mœurs souffraient également de cet isolement. L’ouverture de ce théâtre remédia à une partie de ces inconvénients ; aussi devint-il cher aux habitants des environs, qui s’intéressèrent aussi vivement à sa prospérité que s’ils eussent été associés dans son exploitation. Ses propriétàires surent mériter cette sympathie par la régularité de leur administration et leur empressement à coopérer à tous les actes de bienfaisance dans les crises qui affectent les populations. Modeste dans son exploitation, modéré dans ses prétentions, le théâtre du Luxembourg n’a ni rivaux ni envieux ; ii suit sans bruit sa destinée, qui est de plaire et d’amuser au meilleur marché possible. C’est le spectacle des petites fortunes. » Les places, en effet, n’y étaient pas chères ; elles étaient taxées à cette époque à seize, douze et huit sous. On donnait le dimanche trois représentations successives, deux le lundi et une les autres jours de la semaine.

Les premiers directeurs avaient nom Daubignos, Houy, Ruggieri. En 1827, un ancien fondeur de caractères, qui s’appelait le chevalier Joseph Molé, se mit à la tête de ce


théâtre, que les règlements alors en vigueur astreignaient à des conditions ridicules, et obtint quelques facilités nouvelles, qu’un chroniqueur enregistrait ainsi : « D’après la nouvelle autorisation de S. Exc. le ministre de l’intérieur, ce théâtre a obtenu, dans les pantomimes et dans les scènes comiques, la faveur d’avoir quatre personnages parlants ; trois seulement peuvent se trouver ensemble en scène. » Au chevalier Joseph Molé s’était joint un nommé Hippolyte Baudoin, qui fut plus tard directeur du journal le Moniteur de l’armée. Ils eurent pour successeurs, vers 1834, quatre associés qui n’étaient autres que le vaudevilliste Ferdinand de Villeneuve, le comte Henri de Tully, Anténor Joly, qui devait fonder bientôt le théâtre de la Renaissance, dont l’existence fut si courte et si brillante, et Nestor Roqueplan, que l’on devait voir plus tard à la tête des Variétés, de l’Opéra, de l’Opéra-Comique, et enfin du Châtelet. Les directeurs qui se succédèrent ensuite furent Hostein, qui fonda le Théâtre-Historique avec Alexandre Dumas, le vaudevilliste Tournemine, Alexis Colleuille, et en dernier lieu M. Gaspari. A partir de 1830, le petit théâtre du Bobino-Luxembourg avait vu disparaître à peu près complètement les entraves qui arrêtaient sa marche. La parade était abandonnée, de même que les danses de corde et les exhibitions foraines, et il était devenu un vrai théâtre, jouant le drame et le vaudeville, avec autant d’acteurs qu’il lui plaisait d’en employer. Il donnait peu de pièces inédites, et alimentait volontiers son répertoire à l’aide de pièces créées sur des scènes plus importantes et abandonnées par elles. Pourtant, lorsque, vers 1860, M. Gaspari en prit la direction, il prit l’habitude de donner chaque année une grande revue, qui était généralement faite par M. Saint-Agnan-Choler. Ce fut une idée heureuse : telle de ces revues obtint des succès de cent ou cent cinquante représentations, et celles qui avaient pour titres : Gare l’eau ! Cocher, à Bobino ! jouirent d’une véritable vogue. Cependant, les grands travaux d’édilité opérés dans le faubourg Saint-Germain et qui en changèrent si gravement la physionomie en même temps que les coutumes de ses habitants, portèrent un coup mortel au petit théâtre Bobino. Il finit par péricliter, par dépérir peu à peu, et la fondation du Théâtre-Cluny, élevé non loin de lui, lui porta un coup mortel. Depuis une quinzaine d’années il a cessé d’exister, et sur son emplacement on a construit une maison de rapport. — Parmi les comédiens qui ont fait leurs premières armes à Bobino, on en peut citer quelques-


GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — VII 1