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Page:Lamirault - La Grande encyclopédie, inventaire raisonné des sciences, des lettres et des arts, tome 18.djvu/1232

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CxONGORA — GONIATITES

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avaient déjà été imprimés de son vivant, dans un recueil poétique d’Espinosa, publié en lGOii. Cependant, le culteranismo ne triompha pas sans difficulté. Lope de Vega combattit d’abord le poète cordouan, entre autres dans un sonnet où il représente Boscan et Garcilaso arrivant à la porte d’une hôtellerie ; incapables d’entendre le langage alambiqué de la servante et du valet, ils s’imaginent être encore en Biscaye et s’éloignent. Malgré ces critiques, il rend hommage à Gôngora. Plus tard, entraîné par l’engouement national et toujours trop soucieux de suivre la mode, Lope finit par l’imiter, dans sa Circé et dans plusieurs de ses drames. Tous plièrent, ou la plupart, du burlesque Quevedo au classique Jaûregui, lequel traduisit en octaves gongoriques la Pharsale de Lucain. (11 est vrai d’ajouter à sa décharge que l’original y prêtait quelque peu.) Si le grand Calderon devait parfois tomber clans le cultisme, Cervantes ne se rendit jamais et railla avec esprit la nouvelle école (D. Quijote, p. II, cap. xvm). On a prétendu faussement que la romance Castillo de San Cervantes était une réponse de Gôngora à l’auteur de Don Quichotte. L’Eglise même ne put échapper à l’influence du poète ; un de ses admirateurs, Fray Hortensio Paravieino, théologien célèbre, se mit à prêcher en style précieux pour la grande édification des fidèles. Puis vint l’excès du mépris. Si l’on avait jadis trop imité et trop vanté Gôngora, au xvni e siècle, l’insipide Luzan et derrière lui tous les « restaurateurs du bon goût », épris d’un faux classicisme, le bafouèrent sans pitié, lui refusant tout mérite. Vicente Garcia de La Huerta, le dernier disciple du cultisme, fut accablé sous les railleries, et la gloire de Gôngora eut le sort de celle de Ronsard. Depuis lors, une critique plus intelligente et plus équitable a rendu justice à Gôngora, mais sans le remettre au rang où l’avaient placé les contemporains. En dépit des égarements et des chutes, l’auteur des Soledades n’en est pas moins un des plus illustres poètes de l’Espagne. Son nom reste debout et parmi les plus grands. Lucien Doli.fus.

GONGORISME. Le gongorisme, appelé aussi cultisme, cultorisme ou cultéranisme, désigne l’affectation particulière de pensée et de style dont les poètes espagnols du commencement et du milieu du xvu e siècle chargèrent leurs ouvrages à l’imitation du célèbre Gôngora y Argota, leur maître, le propagateur plus que l’inventeur du cultisme dont il avait trouvé les premiers modèles dans Sotomayor qui, lui-même, avait pris ses modèles chez les concettistes italiens. Le mot (estilo culto), sinon la chose, appartient cependant en propre à Gôngora. Le style culto ou cultivé, poli, brillant, fut le pendant espagnol de notre parler précieux, du marinisme italien et de l’euphuisme anglais. Le gongorisme ne laissa pas que d’agir sur notre propre littérature (et comme l’avait fait le marinisme) à la suite du mariage de Louis XIII avec Anne d’Autriche. Gongorisme, marinisme, euphuisme, préciosité, ne sont d’ailleurs que les noms différents d’une même maladie alors régnante : la maladie du bel esprit, de la manière et de l’obscurité appliqués à l’expression d’une galanterie toute en surface et la plus fade du monde. Cependant, on pourrait dire que le gongorisme garde jusque dans l’extrême subtilité quelque chose de la « grandiloquence » de tour et de ton, qui est un caractère de la race, et qu’on ne trouverait que là et chez ceux de nos précieux qui ont subi, comme Balzac, l’influence de l’Espagne. BalthazarGracian, jésuite et poète de l’école de Gôngora, dont il porta l’affectation aux dernières limites qu’elle put atteindre, a donné dans son Art de penser et d’écrire avec esprit la théorie du cultisme. Il convient d’en détacher le passage suivant, qui est un enseignement de toutes les manières : « Veillez, dit Gracian, à ce que les propositions décorent votre style, qu’il s’avive de leurs difficultés mêmes, que son obscurité pique l’intérêt, qu’il s’élève par les hyperboles, que les gradations lui donnent de la profondeur, les allusions du mystère, les images de la finesse, l’ironie du sel, l’indignation du fiel, les sentences de la gravité et qu’à tout cela se joigne cette justesse prudente qui est l’assaisonnement du discours. » Gôngora ne pensait point autrement s’il s exprimait avec un peu moins d’extravagance • « C’est pauvreté d’esprit que le naturel, disait-il, c’est minutie que la pureté, c’est négligence que la clarté. » Pour lui les berbères étaient des « roses habillées », les oiseaux’ des « cloches de duvet sonore », les insectes des « guitares volantes » ; il disait d’une jeune femme que « de ses deux soleils elle pourrait incendier la Norvège et de ses deux mains blanchir l’Ethiopie ». Il faut distinguer les cultistes ou gongoristes des conccptisles qui tlorissaient à la même époque et dont le chef, Alonzo de Ladesma, précéda même Gôngora dans l’emploi des allégories incohérentes et du parler raffiné. Cultisme et conceptisme, d’ailleurs tout aussi obscurs l’un que l’autre, eurent une vogue inouïe eu Espagne, et, comme la préciosité affecta chez nous jusqu’aux écrivains que gardait le mieux leur tempérament poétique (tels Malherbe et Corneille), il n’est pas qu’en Espagne Lope de Vega, Calderon et Ouevedo lui-même qui n’aient^été atteints de cultisme et de conceptisme, encore bien qu’ils s’en moquassent publiquement. Le dernier de ces écrivains, Uuevedo, écrivit même plusieurs parodies du cultisme, dont la meilleure est : Catéchisme de vocables pour apprendre à devenir culto et à comprendre les cultistes. Les principaux cultistes furent, avec Gôngora et à son imitation, le comte de Villamarina et Paravicino, prédicateur de Philippe III, lequel introduisit le cultisme dans l’éloquence de la chaire. Ch. Le Goffic.

GONGYLUS (Entom.). Genre d’Orthoptères, de la famille des Mantides, établi par Thunberg pour VEmpusa gongylodés L., des Indes orientales et de Cevlan. C’est un Insecte des plus bizarres, dont la couleur, d’abord verte, devient jaunâtre ou brunâtre et dont la longueur peut atteindre jusqu’à 44 millim. Son vertex tout entier est relevé en forme de cône et terminé par une double foliole. Son prothorax filiforme, très allongé, est muni à la région antérieure d’un appendice foliacé ; l’abdomen, au contraire, est très large et perfolié ; enfin les pattes, longues et grêles, ont leurs cuisses intermédiaires et postérieures dilatées en lames arrondies, foliacées tandis que les antérieures sont comprimées, avec le bord supérieur foliacé et le bord inférieur cannelé et armé de deux longues épines. Ed. Lef. GO NI. Ancienne ville de la Grèce (Thessalie), située à l’entrée de la vallée de Tempe. Un roi de Macédoine, Antigone Gonatas, y naquit. — Aujourd’hui Goniga. GONIADA. Genre de Chétopodes, de la famille des Glyceridae, créé par Audouin et Milne-Edwards, pour des Annélides ayant pour caractères : tète très petite, conique ; trompe munie de denticules ; pieds à deux rames séparées, formées de soies simples et composées. Espèces principales : G. emerita Aud.-Edw., de la Méditerranée ; G. maculata Oerst., des côtes du Danemark, et G. norvegica Oerst., des côtes de la Norvège.

GONIATITES (Paléont.). Genre de Céphalopodes fossiles du groupe des Ammonites (V. ce mot) créé par de Haan et devenu le type de la famille des Goniatiiidir qui présente les caractères suivants : coquille ordinairement lisse, plus ou moins enroulée ; lobes et selles simples non découpées. Siphon placé immédiatement sous le côté externe. La forme varie du discoïde au sphérique, à tours plus ou moins embrassants et à ombilic tantôt large, tantôt étroit. La dernière loge occupe au moins la moitié du dernier tour, et l’ouverture présente une large échancrure sur le côté ventral bombé. Les sutures sont festonnées ou anguleuses, mais jamais compliquées. On a décrit I aptychus qui devait fermer l’ouverture. Ces Ammonites sont de taille moyenne ou petite : elles se distinguent des Clyménies surtout par la position externe du siphon. On en connaît plus de 300 espèces, presque toutes paléozoïques (du silurien supérieurde Bohème au permo-carbonifère de l’Inde) : le plus grand nombre est du devonien d’Europe et de l’Amérique du Nord. On a proposé différentes classifications pour se reconnaître dans ce grand nombre de formes ;