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GÉOGRAl’HIK

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av. J.-C. Ilécatée de Milet (S49-472) écrivit une géographie (vr, ; -ep’.ooos) accompagnée d’une carte ; jusqu’à Eratostliéne, son œuvre fit autorité. 11 parait s’en être tenu à la conception de la terre comme un disque plat entouré par l’Océan, et il a distribué les parties du monde des deux côtés de la Grande Mer, notre Méditerranée : au N. l’Europe, dans laquelle il comprenait la plaine nordasialique ; au S. la Libye et l’Asie. Ilécatée avait des notions précises sur l’ibérie, la Celtique, l’Italie, l’illyrie, la Thrace, le Pont, le Caucase et l’O. de la Caspienne, la Perse, même sur l’Inde. Sur la Méditerranée occidentale, il était plus complet qu’Hérodote. Sa carte doit être celle qu’Aristagoras de Milet montra aux Spartiates. Après Ilécatée, Charon de Lampsaque donna des détails sur la Perse, la Libye, l’Ethiopie, rédigea un périple de l’océan Atlantique (Ixtôç tûv ’Hpa/.A ;t’tov a^rîXiov). Xanthus, Hippys, Hellanicus écrivirent des traités géographiques et ethnographiques. Damastès s’efforça de préciser les distances d’un lieu à l’autre ; bien informé sur l’Occident, il cite Rome ; Phérécyde est aussi bien renseigné sur l’Italie. Hérodote a sur ces logographes l’avantage que son livre nous est parvenu. Il ne sépare pas la géographie de l’histoire. Ses théories générales sont peu avancées ; il regarde la terre comme plate, déforme ovale, entourée par la mer. Il luidonne une longueur de 40,000 stades, la partage en deux : Europe au N. , Asie au S. , regardant la Libye comme une presqu’île de l’Asie. Ses deux parties du monde sont séparées : détroit de Gadès, la Méditerranée, la mer Noire, le Phase, l’Araxes, la Caspienne ; il ne va pas plus loin. Il place à l’O. des colonnes d’Hercule, l’ibérie presque entière, la Celtique, faisant naître près de la ville de Pyréné (Rrenner ou Pyrénées V) le Danube qui traverse l’Europe pour aboutir à la mer Noire en face de Sinope ; plus à l’O. encore, il nomme les Cynestes. Ses informations sont plus rigoureuses sur le S. de la Gaule, sur l’Italie dont il est le premier adonner le nom ; il connaît les Ombriens, les Tyrrhéniens, mais pas Rome. Sur la Grèce, l’Epire, la Macédoine, il est complètement renseigné, même sur la Thrace, dont il ignore les frontières septentrionales. Sur la Scythie (la plaine russe), il demeure le principal magasin d’informations, indique exactement ses grands fleuves. Il est le premier à savoir que la Caspienne est une mer fermée. Toutefois, quand il s’agit de l’extrême Nord, il glisse aux fables ; ce qu’il raconte des Arimaspes, des Hyperboréens, des /Egipodes est peu sérieux. Il connait bien le Caucase et les mers qui séparent l’Europe de l’Asie. Le Phase marque pour lui la limite. Dans l’Asie, il distingue deux parties, des deux cotés de l’Halys, ce qui suffirait à prouver l’insuffisance de l’orientation à cette époque ; le golfe Arabique (mer Rouge), qu’il croit petit, achève la séparation. Il se représente l’Asie comme une masse centrale formée par le bassin de l’Euphrate, pays des Colchiens.des Saspires, desMèdes et des Perses ; autour se distribuent de vastes presqu’iles : Asie Mineure, Assyrie, Perse, Arabie, Libye. Il ne connait que les confins de l’Inde, ignore le Gange, bien que les explorateurs de Darius lui aient communiqué un certain nombre de faits exacts. Sa géographie administrative de l’empire perse est excellente. Il connaît parfaitement l’Egypte ; an delà il sait qu’on peut remonter le Nil pendant quatre mois sans arriver à sa source ; il est disposé à le faire venir de l’O. ; on voit poindre la confusion avec le Nil des Noirsou Niger. Sur l’Ethiopie, ses assertions sont suffisantes. Les Egyptiens et les Cyrénéens l’ont bien renseigné sur la Libye, peuples du littoral et du Sahara oriental. Au delà des Syrtes commence la confusion ; à peine nomme-t-il Carthage ; il n’a pas mis à profit l’œuvre d’ Ilécatée. Bref, l’historien grec ignore l’Europe septentrionale, l’Asie au delà des confins de l’empire perse, l’Afrique intérieure ; mais il connaît et décrit bien tout le bassin de la Méditerranée orientale et de la mer Noire, à peu près celui de la Méditerranée occidentale, bien l’Iran. Sa mappemonde est exacte en ce qu’il admet la jonction de nos océans Indien et Atlantique. Au siècle suivant, on ajouta peu aux descriptions d’Hécatée et d’Hérodote. Ctésias raconte une foule de particularités plus ou moins fantastiques sur les mœurs de la Perse et de l’Inde. Il sait que celle-ci est aussi grande que l’Asie antérieure. Xénophon précisa la connaissance des montagnes de l’Arménie et de l’Asie Mineure. Hippocrate donna quelques renseignements sur les Scythes voisins du Pont. Platon par son mythe de l’Atlantide, terre engloutie sous les eaux de l’Atlantique, préparait un sujet d’inépuisables controverses à l’avenir. Un second Scylax rédige un périple des côtes de la Méditerranée, abondamment détaillé et plein de noms nouveaux. Le géographe du n e siècle av. J.-C. fut Eudoxe de Cnide, disciple de Platon et héritier des traditions pythagoriciennes. On a perdu sa Description du monde ; célèbre mathématicien, il parcourut l’Egypte, l’Asie, la Sicile, relevant la latitude ; il fit une large place dans son ouvrage à la géographie physique, aux curiosités naturelles et aux produits de chaque pays. Il enseigna décidément que la terre est une sphère, la divisa en "soixante parties, trente d’un pôle à l’autre, attribuant huit de ces bandes à la zone torride, entre les tropiques, cinq à chacune des zones tempérées, six à chacune des bandes glaciales. Il est vrai qu’il imaginait que la terre habitée se limitait à une grande île deux fois plus longue que large et comprise dans la zone tempérée du Nord. L’usage des cartes se vulgarisait, ainsi que l’attestent les plaisanteries d’Aristophane. Ephore, d’un mérite scientifique moindre qu’Eudoxe son contemporain, écrivit une Description de la terre très goûtée. On admit généralement sa division ethnographique ; autour des régions centrales occupées par les Hellènes et les Perses, il plaça quatre grandes races : au N. les Scythes, à l’O. les Celtes, au S. les Ethiopiens, à l’E. les Indiens. L’expédition d’Alexandre et des voyages contemporains allaient élargir les limites du monde connu. Les conquêtes d’Alexandre ont eu dans l’histoire de la civilisation une immense importance. A notre point de vue spécial, elles ont beaucoup profité à la géographie. L’élève d’Aristote a fait une véritable exploration scientifique de l’empire qu’il soumettait. Dès avant son entrée en Asie, la première campagne de son règne en Thrace (336) fournit sur les pays jusqu’au Danube des informations recueillies par Ptolémée et ou Arrien puisa tout son premier livre. L’empire perse, sillonné par les administrateurs et les marchands grecs, fut connu avec une grande exactitude. Quand on toucha à ITaxartes et à l’Indus, on entrevit au delà l’immense Asie des Touraniens et des Indiens. Sur leurs frontières s’établirent des milliers de colons grecs qui maintinrent jusqu’à l’ère chrétienne un royaume grécobactrien (V. Alexandre, Bactriane). Les officiers de l’armée et autres gens de la suite publièrent de nombreux mémoires bien documentés, tels Clitarque, Anaximène de Lamsaque, Aristobule, Callisthène, Hiéronyme de Cardie, Ilécatée d’Abdère, Duris. Une mention spéciale est due aux ingénieurs militaires Diognète et Baéton. Ils relevèrent les routes avec une précision égale à celle de nos géomètres. On en peut juger par le fragment conservé des Stathmcs du premier ; cet itinéraire des marches d’Alexandre pour la partie comprise des Pyles Caspiennes à l’Hyphase (de la Caspienne au Pendjab) est d’une exactitude parfaite. On ne suit que le titre des Stathmes d’Amyntas. Suriner, le pilote Onésicrite et l’amiral Néarque se distinguèrent. Le journal maritime de Néarque, qui revint de l’Indus au golfe Persique, le long de la côte, a été conservé par Arrien ; les distances y sont soigneusement indiquées. Onésicrite donna des renseignements, de seconde main malheureusement, sur les côtes de l’Inde ; il l’évalue au tiers de la terre habitée ; il fit connaître la grande île de Taprobane (Ceylan), mais s’en exagéra énormément les dimensions ; cette erreur s’est perpétuée dans la géographie jusqu’aux temps modernes. Observons que les anciens ne soupçonnèrent pas que l’Inde fût une presqu’île. Ultérieurement, les Ptolémées firent d’Alexandrie le grand entrepôt du commerce universel et développèrent notamment la navigation vers l’Inde.