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Mon père dit que nous aurons bientôt de la neige.

Cependant, je n’ai ni ennui ni tristesse de me trouver si loin du monde, malgré mes dix-neuf printemps. Du petit village de X où je suis née, je n’ai souvenir que de l’humble école où j’ai puisé ma modeste instruction. J’ai pensé quelquefois à ma bonne vieille institutrice — aux petits yeux étincelants sous ses lunettes — qui paraissait toujours étonnée de mes aptitudes littéraires, et qui s’est donné tant de mal pour m’instruire. Et c’est tout. Parmi les jeunes filles de ce village aucune ne partageait mes idées et mes goûts. Je ne regrette rien. J’aime ma solitude et les arbres…

Une seule chose m’attriste un peu dans mon isolement, c’est de ne plus voir le clocher du village et de ne plus entendre les sons de l’Angélus. Les clochers font relever la tête et élèvent les pensées au-dessus des préoccupations de la terre. Ils nous prêtent des ailes. Ils nous donnent le goût de la prière. Oui, je regretterai le clocher et ses angélus…

Mais pourquoi me plaindre ? Les arbres ne sont-ils pas d’autres clochers, des clo-