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Page:Lan - Mémoires d’un chef de claque, 1883.djvu/208

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MÉMOIRES D’UN CHEF DE CLAQUE

au lendemain, se rappeler une pièce récitée par lui, la veille, sur un cahier de papier blanc.

Comment retrouver le fil de mes idées après un espace de cinquante-six ans ? La mnémonique ne va pas jusque-là.

Tout ce que je retrouve dans ma mémoire, c’est qu’il y a dix ans, je me trouvais, avec feu ma Comme, aux bains de mer de Dieppe. Nous logions dans le même hôtel qu’une dame Sapia et sa fille, une jeune personne fort jolie, nommée Hedwige. Un jour, par un caprice enfantin, elle pria ma pauvre femme de me demander de lui procurer, en cachette, un paquet de cigares ! c’était une fille d’Ève, après tout.

Je conviens avec ma femme, ma chère Nathalie, d’apporter un paquet de cigares de chocolat, imitant le maryland à s’y méprendre : même enveloppe de la Régie des tabacs, même couleur que les vrais cigares de maryland à vingt-cinq centimes.

En remettant ce petit paquet postiche à mademoiselle Hedwige Sapia, je lui crayonnai, sur l’enveloppe, ce quatrain :

Quand vous fumerez, belle Hedwige,
Ces cigares de Maryland,
Rappelez-vous, mon cœur l'exige,
Nathalie et son mari Lan[1].

  1. Mademoiselle Sapia épousa le comte de Castellane, fils du maréchal de France et consul général. Elle mourut des suites de la fatigue qu’elle éprouva à soigner des cholériques.