Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/132

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qui est une charité procédant de vues générales, et visant moins à soulager les souffrances, à guérir les maux qu’à en faire disparaître les causes. Et il y a le dévouement à la patrie ou à telle autre collectivité à laquelle on peut appartenir.

À côté des inclinations altruistes proprement dites on peut, comme il a été vu, placer les inclinations impersonnelles. Ce sont l’amour de l’art, l’amour de la science, et ces sentiments qui, nous attachant à des conceptions politiques, sociales, philosophiques, religieuses, nous en font souhaiter la propagation ou la réalisation.

Enfin l’on peut, à la suite des inclinations altruistes et impersonnelles, parler de la moralité. Celle-ci a dans notre être des racines multiples : elle est le produit de dispositions que l’hérédité et l’éducation ont mises ou développées en nous, de croyances qui nous ont été suggérées ou enseignées ; elle procède aussi, plus ou moins selon les individus, des exigences de notre raison. Mais d’où qu’elle vienne, elle agit toujours comme un frein à l’égoïsme.

L’influence de ces sentiments divers sur notre conduite en général, et sur tout ce qui constitue notre vie, est à coup sûr très grande, d’autant plus grande, entre autres choses, que nous serons moins absorbés par la nécessité de pourvoir à notre subsistance et à celle des nôtres. Mais occupons-nous particulièrement de leur influence sur notre vie économique ; voyons de quelles manières cette influence peut s’exercer, et l’importance qu’elle a. C’est de trois manières différentes que les sentiments qu’on a vus peuvent intervenir dans notre vie économique.

1o Certains de ces sentiments peuvent, si nous avons une fortune suffisante pour nous dispenser de gagner notre vie, nous empêcher de nous donner des occupations qui augmentent nos revenus ; ils peuvent nous faire prendre un métier qui ne soit pas pour nous le plus lucratif. Il y a des gens qui se font soldats parce qu’ils voient là un moyen de mieux servir leur patrie ; il y en a qui se font prêtres par zèle religieux ; d’autres renoncent à toute profession lucrative pour cultiver les arts, ou recherchent les situations modestes de l’enseignement pour pouvoir travailler à l’avancement des sciences. On peut constater toutefois que de tels cas, pour ne pas être exceptionnels, sont relativement rares.

2o Certains des sentiments indiqués plus haut peuvent modifier notre manière d’agir dans tels ou tels des actes de notre vie économique. À ses amis, par exemple, on ne demandera pas d’intérêts pour les prêts qu’on leur consentira. Notre moralité nous empêchera, même quand il ne sera pas question d’actes punis par les lois, de profiter de toutes les occasions qui s’offriront à nous de réaliser des gains ; elle nous rendra non seulement probes, mais jusqu’à un certain point peut-être scrupuleux et délicats. Mais cependant les prêts gratuits ne sont pas si nombreux. Et pour ce