Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Comment les distinguer des outils, et d’une façon générale des instruments ?

On ne dira pas que le propre de la machine, c’est de produire de la force ; car cette définition est celle d’une certaine classe de machines : elle convient aux locomotives, et elle ne convient pas aux métiers a tisser.

La machine cependant exécute toujours des travaux qui impliquent d’une manière manifeste une certaine dépense de force. On parle dans les traités de physique de la machine électrique de Ramsden : c’est une ma chine, parce qu’un déploiement de force mécanique est visiblement nécessaire pour la faire marcher, et que c’est ce déploiement de force qui pro duit — pour parler le langage des apparences — l’électricité. Mais on ne donnera pas le nom de machine à une batterie d’accumulateurs, parce qu’ici on ne voit pas que de la force mécanique se dépense.

Dans ce qui précède, il n’y a rien encore qui différencie la machine de l’outil, par exemple. Voici ce qui établit la démarcation. L’outil n’apparaît aucunement comme indépendant de la main qu’il prolonge. Et cela est dû à sa simplicité : tout le monde, à première vue, comprend comment il aide celui qui s’en sert. La machine, elle, ne fait plus l’effet de quelque chose de purement passif ; elle semble avoir son action indépendante — souvent d’ailleurs elle l’a en effet, en un certain sens : et alors l’ouvrier ne s’en sert pus, il la surveille — . C’est qu’en raison de sa complexité, on n’aperçoit pas tout de suite comment elle fonctionne ; qui comprendrait du premier coup, en voyant le chauffeur mettre du charbon dans le foyer, comment la locomotive se met en marche ? qui comprendra du premier coup, de même, — ici cependant tous les organes de la machine sont visibles — comment le métier à tisser accomplit sa besogne ? Comme l’a dit très bien Hobson, le travail de l’outil révèle surtout l’habileté de l’ouvrier qui le manie ; celui de la machine, au contraire, indique l’intelligence de l’inventeur qui a imaginé telle-ci.

Au reste, la distinction de la machine et de l’instrument, ainsi faite, ne permet pas d’établir une démarcation parfaitement nette entre les deux choses. La « machine à écrire 1, le piano, sont-ils des machines ou des instruments ? Il ne saurait guère y avoir de doute pour la première : il a fallu, en effet, un don d’invention remarquable à celui qui l’a créée pour nous donner le moyen d’écrire des mots en appuyant sur des touches. Pour ce qui est du piano, Hobson en fait une machine encore. Mais on peut

wissenchaften, t. V ; il est suivi d’une bibliographie. Voir encore Gide, Principes d’économie politique, liv. I, 1re partie, chap. 1, v-vi, Hobson, The evolution of modern capitalisam, nouv. éd., Londres, The Walter Scott Co., 1906, chap. 4. Consulter enfin le Thirteenth annual report of the commissioner of labor : Hand and machine labor, 2 vol., Washington, 1899.