Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/205

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d’exploitation, iront en croissant d’abord, puis en décroissant. Et ici encore nous sommes en présence d’une loi universelle. Ce qui est vrai des terres que l’on emploie pour la culture est vrai également de tous les autres moyens productifs. Un industriel veut-il dépenser, pour construire son usine et pour acheter son outillage, une somme de 100.000 francs ? Le mieux pour lui sera, l’usine construite, d’occuper 20 ouvriers ; et ses frais de main-d’œuvre, quand on aura défalqué du produit l’amortissement et l’intérêt des autres dépenses, se retrouveront dans le produit multipliés par 3 ; ou encore, si l’on veut considérer ceci, ses avances lui rapporteront 10 %. Si le même industriel, pour la même production, dépense 200.000 francs en constructions et en machines, alors — en supposant toujours qu’il emploie le nombre d’ouvriers le plus convenable — le rendement sera de 15 %. Mais il tombera à 8 % s’il dépense 500.000 francs.

Cette loi nouvelle, que les rendements croissent d’abord, puis décroissent à mesure qu’on entreprend de mettre en valeur des moyens productifs plus importants, qu’on veut produire, en d’autres termes, sur une plus grande échelle, cette loi est universelle elle aussi. Mais la courbe des rendements varie extrêmement d’une production à l’autre. Dans l’agriculture, elle se met à descendre relativement vite. Dans beaucoup de branches de l’industrie, au contraire, elle ne descend que très tard. Les très grandes exploitations agricoles sont bien rarement plus productives que les exploitations moyennes ; et il est des cultures où seule la petite exploitation obtient des rendements élevés. Les usines métallurgiques au contraire, les raffineries de sucre et de pétrole, les filatures, les ateliers de lissage, sans parler des banques, etc., pour atteindre leur productivité maxima, devront prendre des proportions gigantesques. Il y a donc, au point de vue où nous sommes placés, une différence marquée — à envisager les choses en gros — entre l’agriculture et l’industrie. Et l’opposition est plus forte encore si l’on compare, non plus ces dimensions qui sont les meilleures pour les exploitations agricoles d’une part et d’autre part pour les exploitations industrielles, mais ces dimensions qu’atteignent en réalité les exploitations agricoles ou industrielles : car l’agrandissement des exploitations agricoles est contrarié par tel obstacle qui n’existe pas pour les exploitations industrielles[1].

Nous avons appris à distinguer la question de la proportion selon laquelle les différents moyens productifs doivent être combinés et celle de la grandeur qu’il convient de donner aux entreprises. Ne sera-t-il pas possible, après les avoir distinguées, de les ramener l’une à l’autre de quelque manière ?

Carver a cru pouvoir opérer celle réduction. Pour lui, la deuxième

  1. Sur la question que nous avons rencontrée ici, et qui est la question de la concentration de la production, voir au chapitre suivant la section VI.