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récemment aussi que les industriels et les commerçants sont devenus propriétaires de leur marque de fabrique et de leur nom commercial.

La propriété doit être considérée non seulement sous le rapport de son objet, mais encore sous le rapport des droits qu’elle confère. Sous ce nouveau rapport, comme sous le premier, elle a varié dans l’histoire. Et de même que, à prendre les choses en gros, elle s’est étendue à des catégories de biens de plus en plus nombreuses, de même l’évolution de la propriété s’est faite, d’une manière assez générale, dans le sens d’une augmentation des droits du propriétaire. C’est la propriété quiritaire, c’est-à-dire la propriété entendue comme la faculté de jouir, d’user et d’abuser, qui est regardée chez nous comme la propriété normale ; c’est elle que consacre le Code civil.

Il y a, toutefois, des limitations au pouvoir du propriétaire. Et la principale procède de cette conception que l’individu possède, non pas en tant que tel et pour lui-même, mais en tant que représentant d’une famille et pour celle-ci : c’est cette limitation qui résulte — dans les pays latins et germaniques du moins — des lois sur les successions et les donations. L’individu ne peut disposer de son avoir par testament, et même l’aliéner de son vivant par donation, que dans certains cas ; dans d’autres cas, il ne peut léguer ou donner qu’une certaine quotité de ses biens, qui se réduit au quart, en France, si notre individu a trois enfants : le reste du patrimoine doit aller, après la mort du propriétaire, à des héritiers que la loi désigne ; et si ces héritiers sont des enfants du défunt, c’est un partage égal qui se fait entre eux. L’individu n’a même pas la possibilité de dissiper sa fortune de son vivant : il s’exposerait, s’il entrait dans cette voie, à se faire donner un conseil judiciaire.

118. De quelques autres principes de notre droit. — On peut rattacher, si l’on veut, à la question des droits que la propriété confère l’étude de ces principes juridiques dont il nous reste maintenant à parler. Il s’agit en effet, comme on va le voir, de principes qui permettent aux propriétaires de faire certains usages de leurs biens, ou de telle catégorie particulière de biens.

Le premier des principes que nous voulons mentionner est celui qui proclame la légitimité du prêt à intérêt[1]. L’intérêt de l’argent a été, pendant toute l’antiquité, tout le moyen âge, et jusqu’au XVIIIe siècle, l’objet d’une hostilité plus ou moins vive des législateurs, comme aussi, souvent, des théologiens, des philosophes, voire même des économistes. À la vérité, les prohibitions que l’on a faites du prêt à intérêt sont demeu-

  1. Sur l’histoire du prêt à intérêt, consulter Schmoller, Grundriss, § 189 (la bibliographie précède le § 182 c.) ; trad. fr., t. III. Sur l’histoire des doctrines, consulter Böhm-Bawerk, Geschichte und Kritik der Capitalzinstheorien, particulièrement les sections II et III.