Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/231

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sion pareille. Ce qui sans doute a conduit Böhm-Bawerk à la conviction qu’il exprime, c’est sa croyance à une proportionnalité entre la durée du processus productif et la quantité du capital : croyant à cette proportionnalité, et voyant — car c’est là un fait qui paraît résulter de l’observation — les inventions, dans l’ensemble, provoquer une multiplication des capitaux, il devait conclure que ces inventions allongeaient la production. Mais du moment où l’on n’admet plus la proportionnalité en question, cette thèse devient douteuse.

Quittons la question particulière des inventions et de leurs conséquences. Pourrons-nous, d’une manière générale, nous faire une idée de ce qu’est la durée moyenne de la production ? On a dit qu’en Angleterre, de nos jours, on amortissait chaque année 1/4 des capitaux investis dans la production[1] : et il y a lieu de penser que l’Angleterre est un des pays où la proportion des capitaux investis pour de longues périodes est le plus grande. On remarquera toutefois qu’il n’est parlé ici que de la durée des capitaux fixes ; et de plus l’estimation que nous avons relatée est une estimation quelque peu aventureuse[2].

Mais il ne convient pas de nous attarder à l’étude de la durée de la production. Cette étude en effet, dans ce qu’elle a de particulier, n’est pas très instructive. Soit un individu qui engage dans une entreprise un capital de 50.000 fr. À partir du moment où ce capital aura commencé à rapporter — nous supposons qu’il s’agisse d’une entreprise à marche régulière —, notre individu verra, normalement, ses recettes couvrir ses dépenses, et lui donner, en outre, l’intérêt et l’amortissement de son capital ; à partir de ce moment, par conséquent, notre individu ne se souciera nullement de la durée de sa production. Il n’aura eu à se soucier de cette durée que pendant le temps qu’il aura attendu ses premiers produits. Mais d’attendre ces produits 3 mois ou un an, ou même 2 ans, — il ne s’agira le plus souvent que de durées pareilles — cela n’a pas une bien grande importance. Ce qui importe beaucoup plus pour le capitaliste — et qui est d’une grande conséquence au point de vue social, comme nous aurons à le dire bientôt —, c’est qu’il ait à engager dans son entreprise 50.000 francs, au lieu de 10.000 ou de 100.000.

3o Il nous reste à mesurer le degré capitalistique de l’économie par la quantité du capital engagé dans la production.

Qu’on y fasse attention : c’est l’ensemble de la production qu’il faut con-

  1. Cf. Marshall, Principles, VI, 2, 4.
  2. Pour donner une réponse à la question qui nous occupe ici, on peut utiliser des données statistiques comme celles que Mayo-Smith a réunies dans son livre Statistic and economics, chap. 5, pp. 165-169 ; et on peut aussi se servir de ces statistiques générales des patrimoines et des revenus dont nous aurons à parler dans la section VII de notre liv. IV.