Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/237

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Il convient d’y en ajouter d’autres. Veut-on se conformer rigoureusement au bon usage de la langue française ? Celle-ci, en premier lieu, ne permet guère de parler d’entreprise que là où l’on a affaire à une production spécialisée : il y aura ainsi des entreprises de transports par chemin de fer, des entreprises de publicité, etc. ; mais si un individu, dans un domaine, pratique des cultures multiples et diverses, on répugnera quelque peu à dire qu’il a une entreprise agricole. En deuxième lieu, quand on parle d’entreprise, on pense généralement à quelque chose de complexe : l’entreprise implique le concours de plusieurs individus, la mise en œuvre d’un matériel, elle comporte de la part de ceux qui sont à sa tête un certain travail d’agencement. Dans le médecin qui donne des consultations, dans l’artiste qui gagne sa vie en chantant dans les salons et en enseignant son art à des élèves, on ne voit pas des entrepreneurs mais on verra un entrepreneur — le mot impresario a exactement cette signification — dans le directeur de théâtre qui engage des comédiens, qui loue une salle, qui a un personnel de machinistes, etc.

On peut convenir, toutefois, d’étendre le sens du mot entreprise. On ne tiendra pas compte de la complexité ou de la non-complexité de la production : et ainsi le médecin, le professeur de chant seront considérés comme des entrepreneurs. Et d’autre part on entendra d’une façon très large la spécialité des entreprises. Si un individu a une imprimerie et qu’en même temps il possède une terre qu’il fasse valoir lui-même, on ne saurait penser à réunir ces deux productions en une même entreprise. Mais un domaine agricole, si variées que soient les cultures qu’on y fait, sera regardé comme constituant une entreprise.

Ce qui, mieux que toute autre chose, peut servir à définir l’entreprise, c’est son indépendance. L’entreprise, en somme, représente l’unité dans la production générale, quand on envisage celle-ci sous le rapport de la direction.

À la vérité, l’entreprise étant entendue comme on vient de voir, on pourra être embarrassé quelquefois pour décider si on est ou non en présence d’une entreprise. Soit un industriel qui a passé un marché de fournitures à longue durée avec un autre industriel, et qui travaille exclusivement pour celui-ci. Ce fournisseur, à la condition de livrer les produits qu’il a promis, peut organiser sa production à sa guise il l’organise à ses risque s’il est bien donc un entrepreneur. Mais un cas plus douteux est celui des tâcherons auxquels, dans certaines industries du bâtiment, certains entrepreneurs confient, à des conditions d’ailleurs variables, l’exécution d’une partie des travaux dont ils se sont chargés — on parle ici de marchandage —. Et il en sera de même pour ces individus à qui les grands industriels, dans des industries comme celle de la soie ou de la confection des habits, laissent le soin, moyennant un prix arrêté à l’avance,