Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/283

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion, voire même qu’ils descendront plus bas : mais ce prix une fois atteint, quel qu’il soit d’ailleurs, au-dessous duquel nos producteurs ne peuvent pas descendre, comment les acheteurs se répartiront-ils entre eux ?

En réalité, la concurrence tend perpétuellement vers son contraire ; ou plutôt elle est comme pénétrée par celui-ci. Chaque producteur, à l’ordinaire, se trouve avoir le pas sur ses rivaux pour chacun des articles qu’il produit, soit par rapport à une certaine région, une certaine zone, soit par rapport à une certaine catégorie de clients, cette catégorie étant déterminée par une certaine communauté de goûts de ceux qui la composent. Et si, là où un producteur se trouve en meilleure situation que les autres, on ne voit pas toujours qu’il leur soit préféré, cela tient à des causes diverses que l’on discernera facilement : à l’ignorance, par exemple, où les consommateurs sont si souvent de leur véritable intérêt, ignorance d’autant plus naturelle que les conditions de la concurrence des producteurs subissent de continuelles variations.

148. Le monopole. — Les considérations qui précèdent nous amènent tout naturellement à parler du monopole.

Qu’est-ce que le monopole[1] ? D’après l’étymologie, un producteur, un marchand possède un monopole lorsqu’il est seul à vendre une marchandise donnée.

Cette signification étymologique a été élargie de diverses manières.

1° Il y a eu des auteurs pour voir du monopole partout où il existe, au profit de tel ou tel, ce qu’on a appelé des avantages de production[2].

D’une certaine façon, cette conception est défendable. L’avantage de production ne constitue pas un monopole en lui-même ; mais il crée, pourrait-on dire, un monopole ; il tend du moins à en créer un, il devrait en créer un, comme nous le disions tantôt, puisqu’il consiste dans la possibilité qu’a celui qui le détient de vendre certains produits moins cher que ses rivaux dans une certaine région, ou de fournir au même prix des produits que certains consommateurs apprécieront plus que les produits concurrents. Toutefois l’usage de la langue, auquel il est nécessaire de se conformer, veut qu’il n’y ait de monopole que là où il y a une situation un peu fixe ; il exige aussi, pour que l’on puisse parler de monopole, qu’un même producteur approvisionne exclusivement une clientèle quelque peu étendue ; enfin il veut que la clientèle exclusivement approvisionnée par le producteur en question apparaisse comme nettement délimitée : un fabricant de

  1. Sur la définition du monopole et la classification des diverses sortes de monopoles, voir l’article Monopol, par Lexis, dans le Handwörterbuch, t V. et le livre d’Ely, Monopoles and trusts, New-York, Macmillan, 1902, chap. 1 et 2.
  2. Citons Baker (Monopolies and the people, 1re partie, chap. 11). On trouvera quelque chose d’analogue chez Garelli (Filosofia del monopolio, Milan, Hoepli, 1898, §§ 3-4).