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vrai, celui du capital des trusts est exagéré, à cause de la pratique, générale aux États-Unis quand les trusts se fondent, de la « surcapitalisation » : on peut remarquer d’ailleurs que la valeur d’inventaire des établissements des trusts est inférieure à 1 milliard et demi de dollars. Mais d’autre part le tableau du Census, pour 1900 déjà, est incomplet. Et depuis 1900 des trusts nouveaux ont été créés. Vers la fin de 1902, on estimait le nombre des trusts américains à 287, avec un capital de près de 7 milliards de dollars ; en 1903 on comptait 443 trusts, avec plus de 9 milliards de dollars de capital[1]. Le plus formidable des trusts est celui de l’acier, résultat de la fusion de 11 trusts ; créé tout récemment, il a émis des actions pour 5.295 millions de francs et des obligations pour 1.875 millions ; il possède des gisements de fer et de houille énormes, des carrières de pierres à chaux, 31.000 fours à coke, 2.340 kilomètres de voies ferrées, une flotte de 112 navires, etc. ; il occupe 168.000 salariés, et produisait, en 1902, prés de 10 millions de tonnes d’acier, contrôlant 60 à 80 % de la production pour la plupart des articles qu’il vend, ayant même un monopole complet pour quelques-uns ; ses recettes brutes s’élèveraient à 2.914 millions, et ses recettes nettes, après déduction de l’intérêt des obligations et de l’amortissement, à 470 millions de francs.

Après les États-Unis, c’est l’Angleterre qui paraît compter le plus de trusts. Pour ceux-là seuls des trusts anglais qu’on a dénombrés, le capital, au total, dépasse de beaucoup 100 millions de livres.

Une mention spéciale doit être faite de ces ententes industrielles qui s’étendent sur plusieurs pays. Il y a des cartels internationaux, formés ordinairement entre des cartels ou des trusts nationaux : ainsi dans certaines industries chimiques, dans l’industrie électrique, dans l’industrie textile, etc. Et il existe même des trusts internationaux.

152. Causes de leur multiplication. — Comment expliquer ce foisonnement, au premier abord quelque peu surprenant, des cartels et des trusts ? On a parlé ici, assez souvent, d’une réaction dans le sens de l’association, qui devait avoir lieu après une période d’individualisme à outrance ; on a parlé, encore, du développement de l’esprit de lucre et de domination ; on a fait de ce phénomène économique dont nous avons montré l’importance la manifestation d’une sorte de mode. Le succès de certaines combinaisons a provoqué, c’est certain, des imitations : il a donné l’idée de combinaisons pareilles ou analogues à des gens qui n’y eussent pas pensé autrement ; il a même suscité la formation de coalitions qui n’étaient pas viables. Mais la propagation si étendue de ces formes d’organisation industrielle que sont le cartel et le trust a certainement d’autres causes : et l’ap-

  1. À côté de ces trusts, où il y aurait eu 340 sociétés exploitant des monopoles locaux et naturels, avec 4,5 milliards de dollars de capital.