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question de la population. Sa thèse que l’humanité tend perpétuellement à s’accroître au delà du nombre que la production des subsistances permet de nourrir, cette thèse appelle des réserves sérieuses. Elle a suscité cependant des controverses, des recherches fécondes, et l’examen qu’elle réclame peut conduire encore, semble-t-il, à bien des résultats très importants.

Ricardo (1772-1823), auteur des Principes d’économie politique (1817) et de divers essais, a fait porter ses recherches, principalement, sur la question de la valeur, sur celle de la distribution, enfin sur les questions relatives à la monnaie et au commerce international. Ce fut un esprit extrêmement vigoureux et systématique. À la différence de Smith et de Malthus, il a négligé complètement de considérer les faits dans leur diversité historique, pour se servir exclusivement de la méthode dite déductive. Aussi, s’il a apporté à la science économique des contributions considérables, il a exposé aussi des théories qui appellent la discussion. Et il est, d’autre part, des erreurs dont Ricardo n’est pas véritablement l’auteur, mais qu’une lecture insuffisamment attentive de ses ouvrages a fait naître : car c’était une habitude de Ricardo de s’attacher exclusivement à certains aspects des phénomènes, de développer les conséquences de certaines hypothèses, sachant que ces hypothèses étaient loin de correspondre d’une façon adéquate à la réalité[1].

C’est de Ricardo surtout que procèdent la plupart des économistes anglais de la première moitié du xixe siècle. Leur production s’est résumée dans les Principes d’économie politique de Stuart Mill (1848). Cet ouvrage, qui, aujourd’hui encore, est classique entre tous dans les pays de langue anglaise, se distingue par sa clarté. Mais la vigueur de pensée d’un Ricardo ne s’y retrouve pas. Mill est souvent superficiel ; et surtout il mérite, bien plus encore que Ricardo, le reproche d’avoir raisonné sur des abstractions, sur des concepts, sans se préoccuper de savoir si ces concepts exprimaient bien la réalité, et si les connexions qu’il établissait entre eux correspondaient bien aux connexions réelles, voire à des connexions possibles des faits.

Les économistes classiques français, cependant, s’appliquaient plutôt à développer les vues pratiques de l’école. Cela peut être dit déjà de J.-B. Say, auteur d’un Traité d’économie politique (1803) et d’un Cours complet d’économie politique pratique (1828-1830) dans lesquels il montre des qualités assez remarquables de vulgarisateur. C’est vrai surtout de Bastiat, l’auteur des Sophismes économiques (1845-1847) et des Harmonies économiques (1850), qui fut un polémiste brillant, mais point original : car il n’a fait qu’utiliser, pour la défense d’un optimisme extrême — et excessif — les arguments que Smith ou Ricardo lui fournissaient.

  1. Voir dans les Principles of economics de Marshall la note que celui-ci a mise à la suite du chap. 14 du liv. V.