Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/379

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4° On peut enfin considérer la nature des garanties que donne le débiteur. On parle alors de crédit réel et de crédit personnel. Le crédit réel sera immobilier ou mobilier, selon que la garantie du crédit accordé consistera en des biens immeubles ou meubles.

Quelle est l’utilité sociale du crédit[1] ? Que cette utilité soit grande, c’est ce dont il est aisé de se persuader. Mais il importe de bien voir de quelle nature elle est ; et là dessus, certaines conceptions ont été émises qui reposent sur des illusions. On dit souvent que le crédit crée des richesses. Quelques auteurs, Macleod en particulier, ont expliqué cette formule en telle manière que l’opération du crédit semblerait, d’après eux, créer de la richesse immédiatement et par sa seule conclusion[2]. En d’autres termes, quand on évalue la richesse d’un pays, d’une société, on devrait tenir compte des créances qui existent dans cette société ; les créances hypothécaires, par exemple, s’additionneraient à la valeur des immeubles sur lesquels les hypothèques ont été prises.

La fausseté de la théorie de Macleod n’a pas besoin qu’on la démontre longuement. Il apparaît assez que parce qu’un individu a consenti à avancer une certaine somme à un autre, la richesse sociale ne se trouve pas accrue ipso facto, indépendamment de l’emploi que l’emprunteur fera de la somme en question ; il est trop évident, comme on l’a dit, que la richesse d’un pays ne sera pas doublée parce que chaque habitant aura prêté sa fortune à son voisin. Celui qui a prêté, nous supposons, 1.000 francs peut négocier sa créance ? Mais vendant celle-ci, il n’y aura pas autre chose qu’un déplacement de richesses : 1.000 francs passeront de l’acheteur de la créance à notre prêteur.

Il n’est pas impossible, toutefois, d’extraire de la théorie de Macleod une idée intéressante et vraie. C’est en tant que les instruments de l’échange peuvent être accrus par les opérations du crédit. Un titre de créance peut être donné en paiement de marchandises que le détenteur de ce titre aura achetées ; on peut s’en servir pour acquitter des dettes. Dans de pareils cas, les titres de crédit seront des substituts de la monnaie. Ainsi la multiplication des opérations de crédit pourra équivaloir à une augmentation de la quantité de monnaie en circulation ; et cette augmentation, comme nous aurons à le dire plus loin, peut être utile, non pas à vrai dire à la société tout entière, mais à la nation dans laquelle elle se produit.

La véritable utilité sociale du crédit, c’est de faire circuler les capitaux, et de les mettre à la disposition de ceux qui peuvent en tirer le meilleur parti. S’agit-il du crédit de consommation ? Il permet d’opérer une répartition des consommations à travers les moments successifs de la durée qui pour l’ensemble des intéressés — prêteurs et emprunteurs — représente un ac-

  1. Lire sur cette question Gide, Principes, liv. II, chap. 5, iii.
  2. Cf. la Theory of credit (1889), chap. 1.