Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/403

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212. Le développement des assurances et ses limites. — L’histoire de l’assurance est longue déjà[1], puisque les premières institutions d’assurance remontent à la fin du moyen âge : l’assurance contre l’incendie, l’assurance maritime, le contrat de rente apparaissent à ce moment-là. Mais comme d’autres fonctions économiques dont nous avons parlé déjà, l’assurance ne devait prendre un grand développement que dans le XIXe siècle, et plus particulièrement dans les quarante dernières années. Dans l’ensemble toutefois, ce développement de l’assurance, à la différence de celui de telles autres fonctions économiques, n’apparaît pas — sauf en ce qui concerne les assurances ouvrières en tant qu’institutions d’État — comme dû à des causes proprement spéciales : il ne semble pas qu’il faille l’expliquer par autre chose que par l’intensification de l’activité économique générale.

À l’heure qu’il est, le développement des institutions d’assurance est certainement très loin d’avoir atteint son maximum. Il importe, cependant, de se rendre compte que le domaine où ces institutions peuvent exercer leur activité est limité. Elles ne sauraient s’occuper de tous ces risques qui peuvent, théoriquement, donner lieu à des transactions distinctes.

1o Pour qu’un risque devienne la matière des opérations d’une entre prise, voire d’une association mutuelle — notre remarque ne s’applique pas aussi bien aux assurances d’État —, il faut tout d’abord que la loi des grands nombres s’applique à ce risque. Il existe des assurances sur la vie : c’est qu’il y a une grande régularité dans le nombre global des décès, pour un endroit donné, dans le nombre des décès par âges, etc. Mais on ne conçoit pas bien une assurance contre les décès par le choléra, par exemple, fonctionnant dans nos pays, où les épidémies de choléra sont très irrégulières.

2o Ce n’est pas tout : il faut encore que l’assureur puisse tabler, pour organiser l’assurance, sur les indications que les statistiques lui fournissent. Or cela ne sera point, par exemple, si la facilité de s’assurer donnée aux gens doit rendre fausses, par rapport à eux, les formules où les indications des statistiques se résument, en les poussant à agir comme ils ne feraient pas sans cette faculté. El cela ne sera point non plus dans certains autres cas. On connaît la proportion des entrepreneurs qui tombent en déconfiture ; mais que l’on établisse une assurance contre les risques de dé confiture : ceux-là seuls y recourront qui verront leurs affaires prendre une mauvaise tournure ; et ainsi le fonctionnement d’une telle assurance est impossible.

213. Classification des assurances. — Malgré les observations que l’on vient de voir, ces risques demeurent nombreux contre lesquels il est

  1. Consulter, sur cette histoire, Schmoller, Grundriss, § 215 (trad. fr., t. IV).