Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/432

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homme, qu’il mesure tant de coudes, ou de pieds, etc. Quelque unité que l’on choisisse, pourvu que cette unité nous soit bien connue, elle fera l’affaire : et cela, parce que la hauteur de l’arbre appartient véritablement à celui-ci, qu’elle en est, comme nous l’avons dit, une qualité intrinsèque, et que la longueur choisie comme unité appartient de la même manière à l’objet où on la prend. Mais quand nous voulons mesurer la valeur d’un bien, c’est pour savoir ce que nous pourrions nous procurer, en le cédant, de tels et tels autres biens ; ce ne sera pas assez de connaître la raison selon laquelle il s’échange avec un bien déterminé, quel que soit celui-ci. Dès lors, ce sera une grande simplification, ici, si le même bien fournit une commune mesure pour tous les biens échangeables. Pour un nombre d’objets égal à a, par exemple, le nombre des combinaisons binaires possibles est de . Ainsi, si l’on a 100 sortes de biens, il y aura 4.930 rapports d’échange. Prenant un de ces 100 biens comme unité, il suffira, pour connaître tous ces rapports, d’en retenir 99.

Non seulement l’emploi d’une unité commune est utile pour mesurer la valeur des divers biens, mais il est nécessaire, jusqu’à un certain point pour constituer cette valeur. Aujourd’hui, dans un marché quel qu’il soit, si 1 kilogramme du bien A s’échange contre 2 kilogrammes du bien B, et que 2 kilogrammes du bien B s’échangent contre 5 kilogrammes du bien C, on peut être assuré que 1 kilogramme de A s’échangera contre 5 kilogrammes de C ; de sorte que la valeur de chaque bien peut être exprimée indifféremment par son rapport d’échange avec n’importe quel autre bien. Mais s’il en est ainsi, c’est parce qu’on a adopté une commune mesure ou la valeur : sans cette commune mesure, le système d’équivalents que nous venons de dire n’aurait pas pu se former ; on n’aurait pu en avoir, du moins, qu’une approximation très imparfaite.

La valeur des biens, aujourd’hui, se mesure par leur comparaison avec la monnaie qui les achète : on dit, par exemple, que la valeur d’un cheval est de 500 francs, que celle d’une maison est de 100.000 francs, etc. Historiquement, l’introduction d’un étalon de la valeur, comme on l’appelle, s’expliquerait, d’après l’opinion courante, par la formation même de la monnaie. Intermédiaire des échanges — c’est là sa fonction première —, la monnaie, dit-on, servira tout naturellement à mesurer la valeur des autres biens : puisque ceux-ci sont cédés, sinon toujours, du moins souvent contre de la monnaie, leur valeur, ce sera tout d’abord la quantité de monnaie qu’on en peut obtenir.

Cette explication, toutefois, ne résume sans doute pas d’une manière parfaite le processus historique que nous cherchons ici à comprendre. Il semble bien que d’une certaine façon le besoin ait existé, dans les sociétés primitives, de constituer — pour employer une expression