Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/437

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quence, si elles se sont posées déjà dans le passé, n’ont jamais eu l’ampleur et la gravité qu’elles ont dans notre époque.

La monnaie est dans presque tous les pays, depuis de longs siècles, une institution d’État[1]. C’est en Lydie, au temps du roi Gygés — lequel aurait régné entre 675 et 657 avant Jésus-Christ —, ou bien encore dans les États de Phidon d’Argos, que les premières monnaies d’État auraient été émises. L’émission de ces monnaies lydiennes et éginètes, d’ailleurs, marque une date extrêmement importante dans l’histoire de la monnaie en général non seulement pour la raison que nous venons de dire, mais pour une autre raison encore : elles sont les premières en effet qui, grâce à leur forme spéciale et aux empreintes qu’on y avait mises, aient pu circuler sans qu’il fui besoin de les éprouver ni même, jusqu’à un certain point, de les peser.

Le système monétaire qui était apparu en Lydie, ou à Égine, dans la première moitié du viie siècle, ce système, perfectionné bientôt par l’invention de la frappe proprement dite, ne devait pas tarder à être imité dans l’Asie Mineure, dans la Grèce insulaire et continentale, en Phénicie, en Perse, en Égypte, à Cartilage, etc. ; et les traits qui le définissent se retrouvent dans la plupart des systèmes monétaires qui ont existé depuis l’antiquité jusqu’à l’époque contemporaine. Il en est ainsi, en particulier, du caractère étatique — si l’on peut employer ce mot — de la monnaie. Dans presque toutes les sociétés qui ont été formées en États, le droit de fabriquer des monnaies a été réservé à l’État, il a été regardé comme un attribut de la souveraineté ; à cet égard, le moyen âge — époque pendant laquelle chaque seigneur a eu ou a pu avoir sa monnaie à lui — ne représente pas une exception : on sait en effet que le régime féodal se définit essentiellement par le fractionnement et la dispersion de la souveraineté.

La monnaie aujourd’hui, chez tous les peuples civilisés, est fabriquée par l’État ; et tout ce qui a trait aux monnaies est réglé par lui. Chaque État a ses monnaies[2]. On se trouve ainsi en présence d’une multiplicité de systèmes monétaires, multiplicité cependant moins nombreuse que naguère, en raison de la formation récente de certains grands États. Rares sont les unions monétaires qui ont pu être conclues entre des États : on ne peut guère citer que l’Union monétaire latine, qui date de 1865, et l’Union des pays Scandinaves, qui date de 1872. Les conférences monétaires internationales où de nombreux États, à diverses reprises, se sont fait représenter, n’ont donné aucun résultat.

  1. Ce caractère de la monnaie a été étudié d’une manière particulièrement approfondie et originale par Knapp, dans sa Staatliche Theorie des Geldes, Leipzig, Duncker et Humblot, 1905.
  2. Sur les inconvénients qui résultent de là, et sur ce qui pourrait être fait pour atténuer tout au moins ces inconvénients, consulte Jevons, ouv. cité, chap 14.