Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/449

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en telle sorte, que leur rapport s’écartera du rapport légal des monnaies — soit pour devenir plus grand, soit pour devenir plus petit — moins qu’il ne ferait autrement. Mais on prendra garde qu’il s’agit là du rapport entre la valeur de l’or et celle de l’argent comme métaux, comme marchandises — le rapport de leurs valeurs comme monnaie peut être fixé par la loi, et est fixé en effet aujourd’hui, même en régime monométalliste — : or on ne voit pas pourquoi l’on devrait se soucier particulière ment de stabiliser ce rapport de l’or et de l’argent comme marchandises.

244. Le point de vue des intérêts nationaux. — Quittons maintenant le point de vue des intérêts de l’humanité, et supposons que nous nous occupions uniquement des intérêts d’une nation déterminée. Ici l’opinion des économistes, qui tantôt était quelque peu indécise, se prononce d’une façon très nette, à quelques exceptions près, en faveur du monométallisme. Nous allons voir si dans les idées reçues il n’y aurait pas un peu d’exagération, ou tout au moins un excès de simplification.

Soit un pays qui a adopté le bimétallisme ; il a établi un certain rapport entre les monnaies d’or et les monnaies d’argent, par exemple, le rapport de 15, 5 à 1 ; et il a décrété la frappe libre des deux métaux. Si tous les autres pays ont le même régime, il est clair que le rapport de valeur des deux métaux ne pourra pas être différent — abstraction faite de ce qui peut résulter du coût du monnayage — de ce rapport-là. Dans un tel cas, le régime bimétalliste pourra avoir des inconvénients — ces inconvénients, par exemple, qui résulteraient de la trop grande abondance de la monnaie la plus lourde, ou d’une baisse de la valeur de la monnaie plus forte que celle qu’on aurait eue avec le monométallisme — ; mais il ne désavantagera pas notre pays relativement aux autres.

Mais prenons un pays bimétalliste à côté duquel il y ait des pays monométallistes. Dans ces derniers, le rapport des deux métaux pourra être différent de ce que sera le rapport des deux monnaies dans le pays qui nous intéresse.

Qu’arrivera-t-il donc, si le rapport des monnaies dans notre pays — soit la France. — est 1 à 15, 5, et si le rapport des métaux dans le pays voisin — soit l’Angleterre — est 1 à 12 ? Il arrivera que la France perdra, par l’exportation, sa monnaie d’argent, et que celle-ci sera remplacée par de la monnaie d’or. Il se trouvera en France des gens pour envoyer de l’argent en Angleterre ; car envoyant, par exemple, 15, 5 pièces d’argent, ils pourront échanger cet argent contre de l’or, non pas selon le rapport 15, 5 à 1, mais selon le rapport 12 à 1 ; ils obtiendront, non pas une unité d’or, mais 15, 5 davantage, soit exactement unités ; et faisant frapper cet or en France, ils auront un bénéfice qui — si nous négligeons les frais multiples de l’opération — sera mesuré par la valeur de — unités d’or. En même