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307. Histoire des crises. Leur allure générale. — Les crises, au sens que nous avons convenu de donner à ce mot, sont quelque chose de fort ancien[1]. Nous ne voulons mentionner, toutefois, que celles qui ont eu lieu dans le XIXe siècle. Les perturbations économiques dont l’Angleterre a été le théâtre en 1811, en 1815 et en 1818 ont été des conséquences — plus ou moins indirectes — des guerres napoléoniennes. Puis en 1825, en 1836, en 1847, ce sont des crises quelque peu différentes que l’on a — en Angleterre toujours —. En 1857, une nouvelle crise survient, internationale celle-là, qui commence aux États-Unis, affecte ensuite l’Angleterre, puis s’étend à l’Allemagne, à la Scandinavie et à l’Amérique du Sud. Celle de 1873, partie d’Autriche, intéresse un nombre plus grand encore de pays. Depuis 1873, d’autres crises encore ont eu lieu, mais sans présenter la même gravité, ou du moins sans prendre la même extension que celles de 1857 et de 1873.

Les grandes crises que nous venons de mentionner ont toutes en commun certains caractères. Elles ont toutes suivi des périodes d’ « inflation », pendant lesquelles la production, dans un certain nombre d’industries importantes, a été augmentée d’une manière excessive, pendant les quelles on a abusé du crédit, fondé des sociétés nombreuses, et spéculé avec une grande hardiesse. Toutes, elles se sont développées selon le même schème. Un moment vient, en effet, après ces périodes d’activité exubérante que nous avons dites, où entrepreneurs et spéculateurs commencent à éprouver des déceptions, où ils trouvent de la difficulté a soutenir leurs entreprises et leurs spéculations. Ils n’ont alors que la ressource de faire appel au crédit. Mais les établissements de crédit, en suite précisément de cette « inflation » économique qui dure depuis un certain temps, ont émis beaucoup de billets, ont consenti beaucoup d’avances, cependant que leur encaisse diminuait[2]. Ils se voient obligés de refuser le crédit, ou de ne l’accorder que sur des garanties très sérieuses, et à un prix élevé. C’est alors que la crise éclate ; la liquidation des engagements doit se faire, et ne va pas sans beaucoup de ruines. Quand elle aura eu lieu, on aura une période de défiance, d’atonie, qui durera plus ou moins longtemps. Puis la confiance renaîtra peu à peu, on s’enhardir progressivement, et le même cycle recommencera qui vient de s’achever.

308. Causes des crises. — L’étude des causes qui amènent les crises présente de grandes difficultés, en raison de la multiplicité et de la diversité de ces causes, en raison aussi de leur implication.

  1. Sur l’histoire des crises, voir Schmoller, Grundriss, § 241 (trad. fr., t. V)
  2. On a dit que le rapport des encaisses des banques à leur portefeuille constituait le « baromètre » des crises. Voir Siegfried, L’alternance des crises commerciales et des périodes de prospérité, dans la Revue des Deux-Mondes, déc. 1906.