Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/551

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offre de monnaie, alors qu’il n’y a, à parler proprement, ni demande ni offre de monnaie.

Il n’y a point de demande de monnaie. Celui qui vend des marchandises reçoit sans doute de la monnaie en paiement de ces marchandises. Mais cette monnaie, il ne la désire pas pour elle-même, puisque, si nous con sidérons la monnaie en tant que telle et que nous fassions abstraction de la matière avec laquelle elle a pu être fabriquée, elle n’a aucune utilité intrinsèque ; il la désire parce qu’il sait qu’avec cette monnaie il pourra se procurer toutes sortes de biens. Son cas est tout autre que celui de l’individu qui trouvant une utilité intrinsèque à de certains biens, cherche à les acquérir par l’échange. Et puisqu’il n’y a pas de demande pour la monnaie, il n’y a pas d’offre non plus : on ne voit pas des gens apportant de la monnaie sur un marché et proposant à d’autres de la leur céder moyennant un prix plus ou moins élevé.

En somme, les transactions qui ont lieu — si l’on fait abstraction de certaines opérations que la diversité des systèmes monétaires peut rendre nécessaires — sont toujours conclues entre des gens, d’une part, qui cherchent à acquérir des marchandises, et d’autres qui cherchent à vendre des marchandises dans les conditions les plus avantageuses. Quant à la monnaie, bien qu’elle intervienne, aujourd’hui, dans presque tous les échanges, elle demeure pour les échangistes une chose en quelque sorte neutre et abstraite, et ne joue vraiment qu’un rôle d’intermédiaire. Il y a des porteurs de monnaie qui achètent des marchandises, il y a des producteurs qui vendent ces mêmes marchandises ; on ne rencontre nulle part de transactions qui porteraient sur la monnaie, et où l’on pourrait dire qu’un prix s’établit pour celle-ci. Quand on parle du marché de l’argent, quand on dit que l’argent est cher, ou qu’il ne l’est pas, on prendra garde que l’argent ici est mis pour le crédit : ce que l’on vend sur le « marché de l’argent », ce sont en réalité des capitaux, c’est, en d’autres termes, le droit de disposer de telle ou telle somme pendant tant ou tant de semaines, de mois ou d’années ; on échange de la monnaie immédiatement disponible contre de la monnaie qui sera versée à une échéance plus ou moins reculée.

Toutefois, si l’argumentation sur laquelle, à l’ordinaire, on a basé la théorie quantitative est vicieuse, si cette théorie, de la manière dont l’ont exposée certains de ses partisans, est critiquable, on aurait tort de la rejeter. Ceux qui l’ont fait, ou bien ont adopté à sa place des théories beau coup plus insoutenables qu’elle, ou ont pris, sur la question que la théorie quantitative prétend résoudre, une attitude que l’on voudrait appeler nihiliste, et qui est ce qu’il y a au monde de moins scientifique. La théorie quantitative est, quoi qu’on en ait pu dire, une approximation de la vérité.