Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/579

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d’un point de vue utilitaire, ou d’un point de vue chrématistique. Ou point de vue utilitaire, on remarquera dans les biens dont le revenu est formé les jouissances qu’ils procurent à ceux qui les possèdent ; et l’on pourra même être tenté de définir le revenu comme la somme des jouissances de toutes sortes qui sont données à l’individu — et qui viennent, bien entendu, de la possession de biens échangeables —. Au point de vue chrématistique, on remarquera dans les biens qui forment le revenu la valeur qu’ils ont. Lorsqu’on étudie le revenu afin de comprendre comment il se constitue, c’est au point de vue chrématistique que l’on se placera : la raison en est que les revenus naissent à l’ordinaire des échanges qui se font, et que même lorsqu’il n’en est pas ainsi ils sont déterminés, indirectement, par ces échanges.

Veut-on, maintenant, définir avec plus de précision la notion du revenu, et distinguer exactement, parmi ce qu’on pourrait appeler les rentrées d’un individu — en d’autres termes, parmi ce flux de biens qui lui vient dans une période déterminée —, ce qui fait partie du revenu, et ce qui n’en fait pas partie ? On sera conduit à des résultats divers selon le but qu’on se proposera, selon par exemple que l’on sera préoccupé du problème théorique de la distribution ou des problèmes pratiques de la taxation. De quoi que l’on se préoccupe d’ailleurs, on se trouvera plus d’une fois embarrassé pour établir la démarcation en question, et l’on devra se résigner à ce qu’elle demeure ou quelque peu incertaine, ou quelque peu arbitraire.

Voici les principaux résultats auxquels on arrivera, si c’est le problème de la distribution qu’on a l’intention d’étudier.

1° On n’inscrira pas dans le revenu les changements qui ont lieu dans la valeur des biens possédés. Si un tableau qu’un individu a dans sa collection, au lieu de 20.000 francs qu’il valait, vient à en valoir 30.000, il n’y a pas lieu de regarder comme un revenu cette plus-value de 10.000 francs.

2° Il n’y a pas lieu non plus, semble-t-il, de mettre dans le revenu les jouissances que l’individu tire de la possession des biens d’usage. Cela du moins ne fait guère de doute quand il s’agit de biens d’usage que l’on n’a pas coutume de louer, dont la jouissance, par conséquent, ne représente pas un bien économique. Si un individu possède un tableau de maître, on ne tiendra sans doute pas compte, dans l’évaluation de son revenu, du plaisir qu’il retire de la vue de ce tableau. Mais on sera peut-être plus hésitant s’il s’agit d’une maison d’habitation : car il est très fréquent que l’on vive dans une maison ou dans un appartement loué ; et l’avantage que l’on trouve à avoir une maison où l’on vit est quelque chose qui a proprement une valeur.