Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/589

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tain sens gratuit. Elle n’est pas toujours un revenu gratuit en ce sens qu’il n’en aurait rien coûté au rentier pour la faire naître : nous venons de voir, par exemple, que la terre d’où on la tire pouvait avoir été créée par le travail humain. Mais elle est toujours un revenu gratuit en ce sens qu’une fois née, si l’on peut ainsi dire, il n’en coûte rien pour la faire durer. En d’autres termes, la rente foncière est un revenu tel que si on l’enlevait à son bénéficiaire, l’exploitation des terres qui la donnent ne cesserait pas. Suit des terres que leurs propriétaires afferment ; supposons que l’État établisse un impôt sur la terre qui enlève aux propriétaires la moitié de leurs rentes : la production agricole restera ce qu’elle était ; et si l’impôt, comme on l’a demandé, absorbait la totalité des rentes, les propriétaires sans doute se désintéresseraient de leurs terres ; mais pas plus que tantôt, rien ne serait changé aux cultures.

2° La rente foncière dépend pour chaque terre des qualités particulières de celle-ci, de ce qu’on appelle sa fertilité, de sa situation, etc. Chaque terre donne donc sa rente. Et sans doute on peut concevoir que les rap ports de fertilité, que les rapports de situation, etc. des différentes terres d’un pays soient tels que toutes les terres donnent, à superficie égale, la même rente ; mais ce ne sera là que le résultat d’un ensemble fortuit de circonstances. Ainsi, on ne sait pas à l’avance quelle sera la rente d’une terre ; il faut connaître le produit qu’elle donne. Les terres, en d’autres termes, ne sont pas des moyens de production fongibles.

3° La rente foncière est le revenu d’un bien économique, c’est-à-dire d’un bien qui peut être cédé, échangé.

Tels sont les caractères que la rente foncière présente. Tout revenu, dès lors, qui présentera ces mêmes caractères méritera d’être appelé du nom de rente. Mais il n’y aura de rente qu’autant que nos trois caractères seront réunis ensemble. Insistons un peu sur ce point.

Des caractères indiqués ci-dessus, le plus important à coup sûr est le premier. C’est à lui que l’on pense généralement quand on parle de rente. Si l’on regarde comme des rentiers l’individu qui a des maisons de rap port, celui qui possède des titres, celui qui jouit d’une pension de retraite, c’est qu’on fait abstraction de ce qu’ils ont dû dépenser, du travail qu’ils ont dû fournir pour acquérir ces maisons ou ces titres, pour s’assurer cette pension, et qu’on ne considère que la perception de la rente, laquelle n’exige plus aucune dépense ni aucun travail. El nous connaissons l’ex pression de rente du consommateur ou de l’acheteur, par laquelle beau coup d’économistes désignent l’excédent, pour l’acheteur, de la valeur d’usage des biens achetés sur le prix, c’est-à-dire cette partie de la valeur d’usage que l’acheteur, d’une certaine manière, acquiert sans la payer. Mais si l’on s’attache exclusivement, pour définir la rente, au caractère de la gratuité, on trouvera de la rente dans tous les revenus. On trouvera