Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/596

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qu’on s’est attaché tout d’abord pour l’expliquer. La première sorte de rente qui ait été l’objet d’analyses vraiment scientifiques est la rente qu’on appelle différentielle.

Pour faire comprendre ce que c’est que la rente différentielle, on peut se servir de l’exemple classique des deux terres d’inégale fertilité. Soit une terre A où l’on obtient, moyennant une certaine dépense, une récolte de 30 hectolitres de blé à l’hectare ; soit une autre terre B qui donne, moyen nant une dépense égale, une récolte de seulement 18 hectolitres. Quelque prix que le blé doive se vendre, il est certain qu’il n’y aura qu’un prix pour le blé de l’une et de l’autre terre. Dès lors il apparaît que le propriétaire de la terre A aura un revenu qui excédera celui du propriétaire de l’autre terre, pour chaque hectare, du prix de 12 hectolitres de blé ; et si le propriétaire de la terre B couvre seulement ses frais, le propriétaire de la terre A jouira d’une rente égale, pour chaque hectare, a ce prix de 12 hectolitres de blé : cette renie, qui est due à la fertilité supérieure de sa terre, est une rente différentielle.

La rente différentielle — ou ricardienne, comme on l’appelle encore — est la première que l’on ait étudiée utilement. Mais on s’est aperçu qu’en outre de la rente différentielle il pouvait exister une autre espèce de rente, celle qu’on appelle la rente absolue. Supposons par exemple que toutes les terres étant cultivées, la plus pauvre de ces terres donne encore une rente, qui sera par exemple de 40 francs à l’hectare — cela peut arriver, si la demande des produits agricoles est très forte — : cette rente de la terre la plus pauvre sera une rente absolue. Et si à côté de la terre en question il s’en trouve une autre qui procure à son propriétaire une rente de 100 francs à l’hectare, cette rente de 100 francs sera pour partie — jusqu’à concurrence de 40 francs — une rente absolue, et pour le reste une rente différentielle. Les deux sortes de rentes peuvent donc coexister ; mais l’on peut concevoir encore — bien que cette supposition apparaisse comme devant se réaliser difficilement — une rente absolue qui ne serait point accompagnée de rentes différentielles : on n’a qu’à imaginer que, toutes les terres étant également riches, la mise en valeur de ces terres ne fasse pas descendre les prix des produits agricoles à ce niveau où il suffirait juste à couvrir les frais de production.

Les considérations qui précèdent appellent immédiatement deux observations.

1o Pour pouvoir qualifier la rente, l’appeler soit absolue, soit différentielle, il faut qu’on ait affaire à une multiplicité de fonds méritant, en raison des produits qu’ils donnent, d’être réunis en une même classe. Quand on parle d’une rente absolue des terres, par exemple, on considère qu’il y a une concurrence de toutes les terres entre elles. Cette concurrence, d’ailleurs, n’implique pas que chaque pièce de terre soit apte à produire