Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/603

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exemple, que le défrichement ait commencé par des terres qui n’étaient pas les plus riches en éléments nutritifs ? C’est parce que les terres les plus fécondes, en raison de leur fécondité même, étaient recouvertes d’une végétation exubérante qui en rendait le défrichement trop coûteux, c’est parce qu’elles étaient insalubres, etc. ; pour résumer ces diverses raisons, c’est parce que la mise en culture de ces terres exigeait des dépenses qu’on trouvait plus davantage — vu la rareté du capital et de la main-d’œuvre — à faire ailleurs. Tout ce qu’il faut retenir, en définitive, de ces critiques de Carey que nous avons rapportées, c’est que la notion de la fertilité des terres doit être entendue, non pas dans le sens que la géologie et de la physiologie végétale lui donnent, mais dans un sens plus large ; ou bien, si l’on trouve que le bon usage de la langue répugne à un pareil élargissement du sens du mot fertilité, on retiendra que la fertilité des terres n’est pas tout ce qui détermine les rentes, mais que d’autres facteurs encore interviennent dans cette détermination.

Parmi ces autres facteurs qui interviennent, concurremment avec la fertilité, pour déterminer les rentes des terres, il y a lieu d’attribuer une place spéciale à la situation. Pour calculer le revenu d’une terre, il faut retrancher du prix que ses produits se vendront, non seulement les dépenses de production proprement dites, mais encore ce qu’il en coûte pour transporter ces produits de la terre en question au marché où ils seront vendus. L’inégalité des frais de transport dont les produits des différentes terres sont grevés donne naissance à des rentes différentielles. Supposons avec Thünen — qui a eu le mérite, comme nous l’avons dit déjà, de construire cette partie de la théorie de la rente agricole — un État isolé, avec une ville au centre, et autour de cette ville une campagne dont les produits servent à alimenter la consommation de la ville. Si cette campagne est uniformément fertile, on pourra tracer autour de la ville des cercles concentriques, qui enfermeront dans leurs intervalles une série de zones. Et à mesure qu’on passera d’une zone à l’autre — en s’éloignant de la ville — la rente des terres ira baissant, jusqu’à ce qu’on arrive à des terres qui ne donneront pas de rente du tout, et qui seront les dernières cultivées, ou encore — si notre État est une lie, et que même les terres les plus éloignées donnent une rente — jusqu’à ce qu’on atteigne les limites du territoire.

347. Les variations de la rente agricole. — Nous venons de parler des tracteurs qui créent des différences, au point de vue de la rente, entre les terres, qui expliquent que telle terre donne une rente plus élevée qu’une autre, ou qu’elle donne une rente alors qu’une autre n’en donne pas. Mais quels sont les facteurs qui feront varier la rente d’une terre, les rentes des terres d’un pays, ou encore la rente agricole en général, d’un moment à un autre ? Ces facteurs, eux aussi, sont multiples. Il suffira d’indiquer les principaux.