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Les biens complémentaires peuvent appartenir aux catégories les plus diverses. Deux biens matériels peuvent se compléter l’un l’autre : ainsi la voiture n’est d’aucune utilité sans les chevaux qui la traînent, la plume sans l’encre ; un soulier dépareillé ne nous sert absolument de rien. Deux services peuvent se compléter de même. Les services enfin peuvent être complémentaires des biens matériels : il est beaucoup de biens matériels dont nous ne pouvons jouir que moyennant que de certains services nous soient fournis — ainsi une maison demande un personnel qui l’entretienne — ; et la plupart des services, d’autre part, supposent des instruments dont se servent ceux qui nous les fournissent, ou des matériaux que ces personnes travaillent.

Les biens complémentaires peuvent encore être directs ou instrumentaux, etc.

Le concept des biens complémentaires trouve des applications très nombreuses. Et ces applications deviennent quasiment universelles si on l’élargit tant soit peu. À côté, en effet, de ces biens qui n’ont absolument aucune utilité si d’autres biens ne viennent pas s’y joindre, il y a les biens dont l’utilité se trouve réduite à très peu de chose si d’autres biens ne les complètent pas ; et il y a aussi les biens dont l’utilité est accrue par l’adjonction d’autres biens. Étendant ainsi la notion qui nous occupe, on en arrive peu à peu, non seulement à trouver presque à chaque bien des compléments, mais à multiplier indéfiniment les compléments de chaque bien ; on est amené à unir en des groupes solidaires de plus en plus vastes les petits groupes formés tout d’abord. Comme il a été remarqué, si au café on joint la tasse comme son complément, ne faudra-t-il pas y joindre aussi le sucre, la cuiller, puis la table, la maison, etc.[1] ? Mais il est clair que dans cette voie il convient de s’arrêter quelque part.

Quand deux ou plusieurs biens sont complémentaires, il y a, dit-on, entre ces quantités de chacun d’eux qu’il faut réunir, des proportions définies[2]. Ainsi pour compléter un gant, c’est un deuxième gant qui est nécessaire. Mais cette loi ne se vérifie pas toujours, tant s’en faut. Elle ne se vérifie pas, du moins à l’ordinaire, quand il est, non point nécessaire, mais seulement utile de donner un complément à des biens que l’on considère : le café peut être pris sans sucre ; si on y met du sucre, on pourra en mettre une quantité plus ou moins grande. Elle ne se vérifie pas non plus toujours dans le cas où les biens complémentaires ne sont utiles que réunis : sur une superficie donnée de terre que l’on entreprend de cultiver, on peut dépenser plus ou moins de main-d’œuvre. Si l’on veut cependant, dans des cas pareils, parler encore de proportions définies, il faudra en-

  1. Cf. Pareto, Manuale di economia politica, chap. 4, § 12.
  2. Voir Pantaleoni, Principii di economia pura, première partie, chap. 4, § 5.