Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/99

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s’établit quand on prend en considération les conséquences même les plus lointaines que produit la « consommation » de ces biens[1].

L’utilité marginale étant l’utilité de la dernière unité dans une certaine quantité d’un bien, on appellera utilité totale la somme des utilités des unités qui composent cette quantité.

Nous avons parlé, dans ce qui précède, de l’utilité marginale et de l’utilité totale des biens comme de grandeurs déterminées. Cette façon de présenter les choses, si elle est commode, est inexacte ; et il est très important de le faire remarquer.

Si, voulant mesurer l’utilité d’un bien, on suppose que ce bien soit possédé seul par l’individu que l’on considère, alors sans doute l’utilité en question sera une grandeur déterminée. Cette grandeur d’ailleurs sera infinie, s’il s’agit d’un bien de première nécessité, et que notre individu n’en ait qu’une petite quantité ; et cela, même si l’on rapporte l’utilité à mesurer à une période très courte.

Mais l’hypothèse précédente est irréelle. Il n’est guère d’homme qui n’ait une multiplicité de biens ; et ainsi, quand on veut mesurer l’utilité d’un bien, il faut admettre que d’autres biens sont possédés en même temps par l’individu dont on s’occupe. Or l’utilité d’un bien n’est point indépendante, tant s’en faut, de celle des autres biens qui sont donnés en même temps. C’est tout d’abord à cause de cette loi de substitution dont il a été parlé plus haut, et qui, on l’a vu, établit une solidarité plus ou moins étroite on peut dire entre tous les biens. L’utilité d’une quantité donnée de pain pour un individu dépendra de ce que cet individu aura de viande, etc. ; comme aussi d’autre part, l’utilité d’une quantité donnée de viande dépendra de ce qu’il aura de pain. Et il faut faire intervenir également ici ce qu’on pourrait appeler la loi de complémentarité. Un cheval, par exemple, nous sera moins utile selon que nous aurons ou non un champ à exploiter où ce cheval nous rendrait des services.

Ainsi, quand on voudra mesurer l’utilité d’un bien pour un individu, il faudra toujours supposer à cet individu un certain avoir composé d’une certaine manière.

On remarquera, maintenant, que dans toutes ces considérations nous n’avons jamais envisagé, traitant de l’utilité des biens, que de cette utilité — directe d’ailleurs ou indirecte — qu’ils nous fournissent en tant que nous les consommons. Nous avons fait abstraction de cette utilité que les biens nous procurent si nous les échangeons.

41. La courbe de l’utilité décroissante. — Supposons donc un bien qui ne doive pas être échangé ; donnons-nous comme déterminé par ailleurs

  1. Cette observation est d’Effertz (Antagonismes économiques, première partie, chap. 3, II, § 1, I, b, p. 188, note).